Le rêve fou de Richard Branson approche à grands pas du moment où il reviendra réalité, transporter des «touristes» à une centaine de kilomètres au-dessus de la planète Terre, un vol suborbital d’une durée de deux heures et demie.
Le curieux appareil, construit en matériaux composites, dérivé d’un démonstrateur technologique déjà essayé en vol, est baptisé SpaceShipTwo (en un mot). Il a fière allure, malgré une silhouette déroutante.
La sortie d’atelier en fanfare de cet appareil relance évidemment le débat sur le tourisme spatial. Une expression largement inappropriée, sachant qu’il s’agit plus exactement d’offrir des émotions fortes à des audacieux capables de s’offrir un billet à 200.000 dollars. Ils seraient déjà 300 à s’être inscrits, justifiant peut-être une étude de marché qui prévoit la construction de cinq exemplaires de «série» de SpaceShipTwo.
Après une campagne d’essais que l’on imagine rigoureuse, l’avion spatial devrait être homologué par les autorités américaines, sans que l’on sache pour l’instant quels critères techniques seront pris en considération. A moins que la Federal Aviation Administration ne se contente de considérer qu’il s’agit là d’un avion, ni plus, ni moins, différent des autres par le seul fait de pouvoir atteindre brièvement une altitude exceptionnellement élevée.
Les premiers vols «commerciaux» sont programmés pour 2011, Richard Branson ayant annoncé son intention d’être le tout premier passager, accompagné de ses proches. C’est très bien ainsi, dans la mesure où il serait encore nécessaire de lever les doutes qui pourraient entourer cette initiative hors du commun. Certes, il serait malvenu de mettre en doute les grandes capacités du bureau d’études californien que dirige Burt Rutan mais tout n’est pas nécessairement gagné d’avance.
Virgin Galactic, compagnie mi-aérienne, mi-spatiale, créée pour la circonstance, relève aussi du coup médiatique permanent. Aabar Investment (Adu Dhabi) a pris récemment une participation de 32% dans le capital de l’entreprise, témoignant d’une grande confiance dans l’avenir et la rentabilité de l’affaire. Et en y ajoutant une curieuse précision, à savoir que les activités de Virgin Galactic pourraient être étendues à la mise sur orbite de petits satellites. Une opération qui semble pourtant hors de portée d’un avion spatial ne pouvant pas aller au-delà de 100 km d’altitude.
Sommes-nous à la veille de l’essor du tourisme spatial ? Branson et Rutan ont déjà fait des émules, d’autres projets sont à l’étude, certains sont lancés. Néanmoins, sans sous-estimer pour autant le caractère novateur de SpaceShipTwo, un minimum de réalisme s’impose. Jacques Villain, spécialiste reconnu, fait remarquer que Virgin Galactic n’offrira pas de véritables vols dans l’espace mais de brèves incursions à la frontière qui sépare atmosphère et espace. Les passagers ne resteront en apesanteur que pendant trois minutes et demie. Et d’ajouter «qu’un tel véhicule ne peut pas aller dans l’espace contrairement à ce que l’on entend. Il n’est pas fait pour cela».
Reste, bien sûr, la part de rêve à 200.000 dollars et l’assurance de briller dans les dîners en ville pour le restant de ses jours. Et cela à meilleur compte que le billet à 20 ou 25 millions de dollars qui permet de passer 8 jours à bord de la station spatiale internationale, à 400 kilomètres d’altitude, le voyage se faisant à bord d’un Soyouz russe. Là au moins, il s’agit d’un vrai voyage spatial, à 7,8 kilomètres/seconde. Mais, convenons-en, c’est un peu cher. D’où les grands espoirs que place Richard Branson dans le low-cost spatial.
Pierre Sparaco - AeroMorning