Pour schématiser à grands traits il existe deux manières antagoniques de concevoir la scénographie d'une exposition : soit en partant du principe qu'elle est superflue voire gênante parce qu'une oeuvre doit être exposée sur fond blanc sans que rien ne puisse venir troubler son rapport avec celui qui la regarde, soit en considérant qu'elle peut participer activement à la manière dont le visiteur va entrer en contact avec les pièces montrées et ainsi enrichir le rapport à l'oeuvre.
Poussée à l'extrême cette seconde option peut aboutir à considérer qu'une exposition est avant tout une scénographie, c'est-à-dire la mise en place d'une proposition complète, la création d'une situation à laquelle chaque pièce exposée est là pour participer, le dévoilement d'un monde dans lequel le visiteur est invité à s'immerger, corps et âme.
De toute évidence c'est là l'option retenue par SynhtaxError pour son exposition "Capharnaüm" qui vient de s'achever à la galerie Orès de Lille. "Capharnaüm" est typiquement le genre d'exposition que l'on ne vient pas voir mais que l'on visite (au sens propre), c'est-à-dire dans laquelle on entre de plain-pied... pour s'en prendre plein les yeux.
Soit une espèce de repère de savant fou, un cabinet de curiosités abritant mille trésors confectionnés de main d'orfèvre à partir de matériaux de récupération : là un robot à tête de cerf, ici un orchestre miniature façon bal des vampires, à côté un salon pas plus grand qu'une boîte d'allumettes dans lequel prennent place de drôles de scarabées, plus loin encore un être aux contours incertains projette son visage sur une vitre embuée dont on se demande si elle le tient prisonnier ou si elle nous protège. C'est qu'ici tout ou presque se meut, est articulé et réagit aux mouvements du visiteur. La magie est d'autant plus opérante que l'ensemble transpire la seconde main, le bout de ficelle, la récup' de tout et de rien. Aux murs, non pas de la galerie mais de cette antre fabriquée de toutes pièces au sein de la galerie, des toiles et des dessins inquiétants semblent prendre la poussière comme s'ils étaient là de tout temps. Au milieu de tout cela, un autoportrait de l'artiste en démon, façon trophée de chasse...
On le voit, bien que noir, très noir, l'humour n'est pas absent de cette proposition que SynhtaxError se plaît à présenter comme étant collective puisqu'il a fait appel à deux comparses pour l'aider à la réaliser : Tep pour l'habillage sonore et Edfx pour les moulages en silicone et autres joyeusetés mettant à profit les connaissances du sieur en matière de maquillage gore et autres trucages. Ce n'est même plus de la scénographie, c'est carrément une Gesamtkunstwerk comme disait ce bon vieux Richard !