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Flow est une écorchée vive. Des cicatrices dans la voix, elle nous raconte ces petites tragédies noires de notre monde qui ne regardent plus les marginaux, les rebelles, les étrangers, les handicapés, les désaxés, tout ceux qui nagent au fond. Elle les ramène à la surface, les noyés des marées dures et les proies de la maréchaussée.
La plume est rouge sang comme cette terre des caves et des tiers mondes qui ne boivent pas le coca de l'Amérique. Le grain de voix est forcément grave. Comme son regard sur les ruelles de notre âme qui tourne en rond dans une système mal taillé. « Faut pas rêver », nous chante Flow qui réclame, comme une jeune piaf populaire, « au m'sieur, dame, un peu d'amour ». Parce qu'elle dit sans détour la réalité avec la mélancolie d'un Brel, les violons et les violoncelles un brin verlainien et l'air lointain et chaud de la darbouka africaine.
Toutes ces tristesses, toutes ces déchirures ont des noms : Zara, la mariée malheureuse, La Louise, « un petit vélo dans ton cerveau », Fatoumata, "cousue comme les femmes du Ghana," Malika qui "obéit à un homme qui la bat" et puis ces rangées de pouffiasses qui se foutent du ridicule. Forcément l'album de Flow n'est pas là pour détendre les zygomatiques mais pour ouvrir nos bons yeux d'aveugles et nos tympans sourds aux blessures. Pour cela, elle sait hurler la misère. Sa version punk endiablée du pont d'Avignon, où l' « on s'y plante, on s'y plante » éclaire les vraies ombres de nos ponts bien chantés. Avec Flow, la chanson engagée, sans fausse bonne conscience, n'est pas rangée aux oubliettes. On salue toute l'énergie franche d'un album puissant et juste.