Le premier chapitre du livre de Tara Hunt a été traduit par Habib Benhassine, Morgane Falzerana-Thebault, Rodolphe Falzerana, Anthony Webster, tous “emballés” par The Whuffie Factor. Vous pouvez, vous aussi, faire partie de l’histoire de ce livre, et nous vous proposons de donner votre avis sur cette traduction, mieux encore, de contribuer ! Laissez-nous vos coordonnées ici, si vous avez envie de rejoindre l’aventure.
Comment développer son capital social
Si quelqu’un t’aborde et te demande de but en blanc : « Où en est ton “Whuffie” ? », n’appelle pas police secours.
Je vais t’expliquer pourquoi mais d’abord, partons des deux hypothèses suivantes : premièrement, comme tout un chacun dans le monde des affaires - que tu sois à la tête d’une grande entreprise classée au Fortune 500 ou d’une start-up qui vient de se lancer - tu souhaites être plus impliqué et en prise directe avec tes clients afin de maintenir un flux continu d’information entre eux et toi ; et, deuxièmement, tu constates une augmentation continue des dépenses en campagnes marketing et publicité, mais un retour sur investissement en baisse. Pourtant, tu es souvent interpellé par cette histoire d’une entreprise qui a su développer une clientèle colossale, à peu ou pas de frais, en surfant sur la vague du Web 2.0 - le monde de la collaboration de masse et des réseaux sociaux - et en tirant parti des blogs, de Facebook, MySpace, Twitter et d’autres outils collaboratifs. Mais lorsque tu vas en ligne y jeter un coup d’oeil, tout ce que tu y vois, c’est un fatras de clavardages et de brouhahas. Alors, tu te demandes : « Quel sens donner à tout ça ? »
La véritable question est : « Comment vais-je donner du sens à tout ça ? ». Prendre la vague du Web 2.0 n’est pas aussi facile, ni aussi immédiat qu’il n’y paraît de prime abord. Se contenter de dépenser de l’argent pour s’acheter une présence en ligne dans les communautés est tout aussi justifié que de dévaler une rampe de skateboard en costume trois pièces de chez Brooks Brothers.
Pour réussir dans l’univers du Web 2.0, tu dois tordre le cou aux conventions et devenir un détenteur de capital social. Pour développer son capital social, il faut en vouloir tout autant que les grands noms du business tels que John D. Rockfeller et Bill Gates, mais ici la monnaie d’échange est différente. Les gens participent aux réseaux sociaux pour se connecter et tisser des liens. Avec le temps, les relations et les connexions conduisent à la confiance qui, elle, est la clé de l’affluence de capital. Le capital dont je parle n’est pas pour autant financier. Il s’agit du capital social, ainsi nommé le whuffie. Un détenteur de capital social est une personne qui construit et fait vivre une communauté et fait ainsi croître le whuffie. Une fois que le whuffie est déposé « à la banque », c’est à partir du capital social que le capital financier commence alors à affluer. Cela fonctionnait jusque- là dans l’autre sens. Bien sûr, les personnes riches et les grandes entreprises ont toujours beaucoup d’influence, mais nous parlons ici d’un monde en pleine émergence où les règles de la réussite sont complètement différentes.
Si une entreprise essaie de se payer une présence en ligne au sein des communautés, indéniablement, des effets indésirables se feront ressentir et son capital social commencera à décroître. Sans capital social, toute connexion est sans effet et toute recommandation est perçue comme un spam, donc reçue négativement, et conduit à une perte supplémentaire de capital social. Donc, si une personne demande où en est ton whuffie, ce qu’elle veut savoir en réalité, c’est comment tu appréhendes l’épineuse question de l’évolution de tes affaires dans l’univers des réseaux sociaux du Web 2.0.
Comment le Whuffie peut développer les affaires ?
Dans le monde du Web 2.0, il n’y a véritablement que trois moyens d’entreprendre et de s’enrichir en ligne : la pornographie, la chance et le Whuffie. La pornographie, bien sûr, n’a pas besoin d’être présentée, je ne peux ni l’approuver ni la recommander. Cela m’ennuie de l’admettre, pourtant nous devons lui être reconnaissants. L’industrie pornographique en ligne a favorisé l’adoption de la plupart des technologies que nous connaissons, utilisons et aimons aujourd’hui. Le streaming vidéo et audio, les logiciels de géolocalisation, les contenus interactifs, tels que les cookies (utilisés aujourd’hui par Amazon et Google) nous aident à trouver exactement ce que nous voulons en sauvegardant et stockant des données dès que nous nous reconnectons, et permettent d’obtenir de meilleurs résultats à chaque visite. Bien sûr, la pornographie nous a également apporté des choses détestables comme les pop-up et le spam. Bien qu’efficaces, ce ne sont pas des méthodes que j’encourage, à moins que l’objectif soit d’aliéner tes clients et de salir ta réputation.
Être on ne peut plus chanceux est la deuxième manière de gagner de l’argent en ligne. Je travaille dans le marketing en ligne depuis près de dix ans et j’ai vu des personnes qui se sont enrichies à la vitesse de l’éclair parce qu’elles étaient au bon endroit au bon moment. Cependant, il n’y a pas de mode d’emploi pour être chanceux.
Le porno est donc écarté et la chance est un coup du sort. Il reste le Whuffie, le seul moyen fiable pour à la fois entreprendre et gagner de l’argent.
Le «Whuffie» est un néologisme inventé par Cory Doctorow - créateur du célèbre blog Boing Boing - pour représenter le capital social dans son roman d’anticipation Down and Out In The Magic Kindom*. Dans le futur imaginé par Doctoro, le whuffie est la seule monnaie en cours. Toutes les devises courantes, dollars, euros, yuan, et autres ont simplement disparu.
En fin de compte qu’est-ce que le Whuffie ?
Le whuffie est le revenu - la valeur monétaire - engendré par ta réputation. Tu en perds ou tu en gagnes selon tes bonnes ou mauvaises actions, ta contribution envers la communauté et ce que les gens pensent de toi. Le calcul de ton whuffie est pondéré suivant tes interactions avec les communautés et les individus. Par exemple, dans mon propre quartier, là où j’ai acquis une bonne réputation en rendant service, mon whuffie est plus élevé que dans un autre quartier où personne ne me connait. Là-bas, les membres de cette communauté vont consulter mon whuffie pour savoir s’ils peuvent me faire confiance. Néanmoins pour être accueillie pleinement, je ne peux pas me fier uniquement à mon compte whuffie : là-bas, je dois être disposée à rendre service de la même manière. Comme Cory Doctorow l’enseigne dans Down and Out In The Magic Kindom*, je peux le faire de trois façons : être gentille, être connectée ou être reconnue. Je vais t’expliquer tout au long de ce livre quelles sont les méthodes pour développer ton whuffie selon ces trois stratégies.
Dans ce futur, si tu désires réserver une chambre d’hôtel, acheter une voiture ou un ticket de bus, tu peux payer avec ton whuffie. Ce n’est ni une carte, ni un bout de papier : en fait, c’est en toi que ton whuffie est mémorisé et n’importe qui peut consulter ton compteur interne pour savoir à quel point tu es riche (ou pauvre) en whuffie.
*NDT : Dans la dèche au royaume enchanté, Folio SF, 2008