Sachez donc :
1- que l'anarchisme prend sa source au moment de la Révolution française, qui n'est autre que le triomphe du libéralisme puisqu'elle « proclame que l’individu est une fin en soi et que toutes les formes politiques et sociales ne sont créées que pour contribuer à son plein et entier épanouissement. » (p. 6). Son principe, la liberté, n'est finalement pour quelques-uns qu'un mirage car
a) le libre jeu de la concurrence écrase celui insuffisamment armé pour la lutte,
b) le maintien de la propriété privée garantit l’indépendance des possédants mais aussi la dépendance voire l’esclavage des non-possédants.
Or cette contradiction hypothèque le libéralisme :
« L’organisation politique repose sur les principes éternels de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, alors que la vie sociale est dominée par l’esclavage économique, l’inégalité sociale et la lutte des classes. » (p. 6), d’où la Conspiration des Egaux dirigée par Babeuf.
Autre problème : comment concilier la liberté individuelle avec la liberté de tous ?
Car si l’égalité politique est inséparable de la liberté individuelle, l’égalité sociale, qui est le gage de la liberté de tous, postule une certaine limitation de la liberté individuelle.
D'aucuns commencent à être convaincus que le citoyen ne jouit pas de la liberté
véritable dans une société qui ne garantit pas sa vie matérielle. Adoptent cette position antilibérale
Victor Considérant, Le Socialisme devant le vieux monde actuel, Louis Blanc, L’Organisation du travail, Moïse Hess, Philosophie
de l’action, et Karl Marx qui, dans La question juive, évoque ce dualisme de l’Etat et de la société qui transparait dans la séparation des Droits de l’homme et du citoyen. En effet, quels sont ses droits ? L'égalité, la liberté, la sûreté, la
propriété, soit des droits de l’individu limité à lui-même, et qui justifient l’égoïsme
2 - que l'anarchisme trouve ses fondements philosophiques dans :
a) le rationnalisme français (Rousseau) : l'homme est tiraillé entre deux sentiments contraires : l’instinct social qui lui fait découvrir son bonheur dans le bonheur général, c'est-à-dire l’altruisme, et l’instinct de conservation qui l’oppose à ses semblables, c’est-à-direl’égoïsme. Au cours de l’évolution de l’humanité, l’égoïsme a pris le pas sur l’altruisme : l’homme est devenu pour l’homme un « loup ».b) l'idéalisme absolu allemand (Hegel) : l’anarchisme prêche la souveraineté du Moi « unique » et appelle à la révolte contre toutes les aliénations (religieuses – contre l’Eglise, politiques – contre l’Etat, humanistes – contre les lois du Nous)
c) le christianisme : « si l’anarchisme combat la religion en tant qu’elle constitue une contrainte identique à celle que l’Etat exerce sur l’individu », comme Jésus, il « écarte l’Etat pour porter l’accent sur la valeur absolue qui s’attache à la personne humaine. »
3- que les théoriciens de l'anarchisme sont :
-
L’Anglais William Godwin (1756-1836) et sa Justice politique,
-
L’Allemand Max Stirner(1806-1856) et L’Unique et sa propriété (1844),
- Le Français Proudhon (1809-1864), pour L’AUTOGESTION en politique et en économie,
- Le Russe Michel Bakounine (1814-1876), qui prône un fédéralisme politique et économique,
- L'écrivain russe Léon Tolstoï (1828-1910), pour l'Amour altruiste, qui influencera Gandhi, avec qui il a correspondu, et conduira à la libération de l’Inde par la non-violence.
4- que L’ANARCHISME, c’est :
le refus de toute autorité pour la défense
de l'autonomie individuelle, et donc pour des contrats librements conclus entre les intéressés, le fédéralisme,l'antidémocratisme, l'antisocialisme, et une responsabilité individuelle
accrue et l'entraide.
5- que
le mouvement commence lors de la Première Internationale fondée à Londres en 1864 et qu'il s'essoufle un peu, même si on reconnait un mouvement américain à tendance anarchiste
dans les années 70.
L'analyse d'Henri Arvon parait objective, ce dernier n'hésitant pas à qualifier de dépassée la théorie de Tolstoï, et de critiquer certaines positions. En revanche, il passe un peu trop rapidement en revue, dans sa dernière partie, l'histoire du mouvement.
Cette lecture m'a premis de connaitre véritablement le fondement des idées anarchistes, dont on parle parfois sans savoir au juste de quoi il s'agit, ne retenant souvent que les comportements extrêmes et terroristes médiatisés. Certaines, d'entre elles, comme le fédéralisme, le crédit désintéressé ou le perfectionnement de l'individu, m'ont séduite.
Je ne peux que vous en conseiller vivement la lecture, si vous êtes curieux de connaître une autre manière de concevoir le fonctionnement de la société.