Thierry Henry a beau avoir changé de club, de femme et troqué la grisaille londonienne pour les Ramblas de
Barcelone, il n'en a pas pour autant perdu ses habitudes en chemin. Certains esprits chagrins catalans diront qu'il a peut-être égaré son instinct de buteur dans la traversée de
la Manche, laissons-les médire… Attachons-nous plutôt à disséquer un geste technique devenu l'une de ses marques de fabrique : le lever de pouce compulsif, tic qu'il partage désormais avec l'un
de ses illustres coéquipiers barcelonais, Ronaldinho.
Dans la gestuelle henryesque, le pouce levé revêt plusieurs significations. Un coup de tatane rageur d'un coéquipier dans les
tribunes, un pouce levé l'encourage sur le registre "C'est pas grave bonhomme, tu feras mieux la prochaine fois !" Une passe millimètrée d'un partenaire vendangée, un lever de pouce de
l'attaquant le plus prolifique de l'équipe de France fait office de plates excuses et de remerciement pour ce caviar bien mal exploité. Un tifo héroïque descendu des tribunes d'Highbury ou du
Camp Nou, l'empereur Henry lève son pouce pour saluer ces encouragements si bien troussés…
Bref, Titi sans son pouce, c'est un peu comme Caliméro sans sa coquille, un rugbyman du Stade Français habillé ou une officine de paris en ligne
sans tennisman professionnel. A tel point qu'il est légitime de s'inquiéter du devenir de l'attaquant blaugrana si, qu'à Dieu ne plaise, il devait un jour s'abimer ce
précieux appendice. Qu'adviendrait-il de lui en cas d'entorse, pis, de fracture du pouce ? Comment pourrait-il communiquer avec ses fans ou ses coéquipiers ? Comment faire comprendre au
photographe chargé de mettre en boîte l'un de ses multiples contrats publicitaires que, décidément, cette prise de vue est vraiment trop cool ? Comment pourrait-il remercier son conseiller
financier d'avoir vendu à temps ses action EADS ? Ronaldinho, le pouce en purée, pourrait toujours découvrir son sourire équin pour exprimer son contentement; Titi, lui, sans son doigt favori,
serait fort démuni.
Mais n'allons pas porter la scoumoune à notre sympathique buteur. Si, avec autant de probabilités que de voir Ben Laden et le
mollah Omar foudroyés le même jour par deux météorites, le divin Titi condescendait à lire ces quelques lignes, je me permettrais juste de lui donner un conseil. Le jour où, à l'automne de ta vie
de joueur, d'autres sirènes méditerranéennes t'attirent, que l'envie de voir le soleil se coucher sur le Pirée te conduit dans un club grec, je t'en prie Titi, laisse ton pouce au pays ! Sur les
bords de la mer Égée, ton geste favori, exécuté de façon par trop vigoureuse, équivaut chez nous à un majeur tendu bien haut. Pas classe et sans doute pas la meilleure façon de finir une carrière
en beauté…