Les cartes sont des ouvertures. Issues du plus grand fonctionnalisme imaginable par l'esprit humain, complexes ramifications hyper-normées, elles me fascinent à bien des égards : elles enjambent allègrement les barrières culturelles et linguistiques, elles parlent à tout le monde sans ne rien dire à personne, elles créent des lieux tout autant qu'elles les représentent.
Au-delà de considérations géo-politiques qu'on a tous en tête (car après tout, si, comme le dit si justement Pennac "Ecrire l'Histoire, c'est foutre la pagaille dans la Géographie", n'oublions pas que sans la cartographie l'Histoire n'aurait jamais eu lieu telle que nous la connaissons), ces cartes conditionnent nos vies, planifient d'avance nos planifications futures et sont bien trop souvent des empêcheurs d'errer librement - Il ne tient pourtant qu'à nous de se perdre volontairement, d'oublier un instant cartes et plans.
J'aime les cartes disais-je, pelotes de fils multicolores emmêlés, car elles me font l'effet d'une piscine dans laquelle je m'apprête à plonger. L'appréhension ne résiste pas longtemps face à la curiosité.
Il y a trois mois cette carte n'était pour moi qu'un des emblèmes de Londres, avec les bus rouges et les cabines téléphoniques, avec Big Ben et le fish'n'chips.
Il y a quelques jours et pendant douze heures elle a été une folle toupie désaxée tournant autour d'une punaise fichée sur bethnal green. Punaise enlevée - tout à recommencer.
Y plonger ou rester sur le bord, toutes les portes sont encore ouvertes. Mais, grande première, une nouvelle appréhension accompagne cette ouverture qui semble mieux résister à la curiosité. Plonger c'est aussi simple que se perdre : c'est un non-choix, c'est choisir de choisir plus tard. C'est le confort de l'insouciance, la liberté de découvrir un lieu sans dépendre des normes fixés par ces lignes silencieuses mais en s'en servant pour avancer. Mais aujourd'hui et d'ici 10 jours il va falloir choisir, arrêter de se laisser porter par l'élan du plongeon et se mettre à nager. Il va falloir accepter, au final, qu'on dépend tous un peu de ces normes et que la vie ressemble parfois beaucoup trop à ces lignes : emmêlées, compliqués, insaisissables, with partial closures on saturday, et puis vibrantes de couleurs quand même. Car c'est Londres, après tout.
Les portes sont ouvertes donc et le temps risque de me manquer pour refermer les bonnes.