Rêvé de Popeye, me sens pas bien. On se promenait dans les rues du village ou on vivait quand j'étais petite, se tenant par la taille comme des amoureux. Je sentais ses os sous mes mains, lui demandant: "t'as perdu combien papa?". Il me répondait en faisant un geste de la main, comme pour faire fi: "Beaucoup, mais c'est pas grave!", et il souriait. C'est vrai que quand on est mort, perdre du poids ne doit pas faire partie des soucis prioritaires. Il avait l'air jeune, à certains moments on flottait, volait même un peu au dessus du sol, porté par les anges sans doute. Huit ans qu'il est parti et il me manque toujours autant. Je pleure juste moins souvent et je respire toujours quand j'arrive devant ma porte le soir, parce que son parfum est accroché dans l'air, juste à cet endroit là. Un jour, je lui ai demandé comment il voulait être inhumé, brûlé ou enterré? Lui débonnaire et souriant m'a dit : "bah jette moi dans la prairie derrière le cimetière, qu'en l'occurrence il nommait pompeusement "le motel", avec la pente je roulerai jusqu'en bas et personne n'en saura rien". Pffff!
Sais pas si c'est à cause de Fred Vargas que je pense à lui, mais peut-être. "Un Lieu Incertain" est une pièce d'orfèvrerie, un concentré d'ingénuité et d'humour noir, bien grinçant comme je l'aime. Cette femme là est comme un diable hors de sa boîte. Certainement la meilleure histoire qu'il m'ait été donné à lire depuis un certain temps. Drôle, caustique, documenté, érudit, avec l'ombre du vampire de Highgate qui s'incruste au long des pages? Son tueur en série est un "écrabouilleur" et non des moindres. Là, je me dis putain! Qu'est-ce que j'aimerais avoir une patte et un esprit pareil.