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Une interview de Laurent Laget, traducteur diplômé indépendant

Publié le 09 décembre 2009 par Tradonline

Nous vous proposons aujourd'hui une nouvelle interview : Laurent Laget, traducteur diplômé indépendant, exerçant depuis quelques années en France.

Tradonline : Quelques mots pour vous présenter ?

Laurent : Je m'appelle Laurent, je suis traducteur diplômé de l'ESIT depuis 2008 et mes langues de travail sont l'anglais et l'italien. Après une première expérience en tant que salarié, je me suis installé à mon compte sous le régime de l'auto-entreprise début 2009.

Tradonline : Concernant votre activité, pourquoi avez-vous choisi d’être traducteur indépendant depuis début 2009, après une activité centrée sur la traduction, mais dans une fonction salarié ?

Laurent : A la fin de mes études, j'ai eu la possibilité de travailler comme vacataire dans la fonction publique. Ce fut une très bonne expérience, mais sans possibilité de renouvellement. A la fin de mon contrat, j'ai donc cherché un autre poste de salarié. Les embauches étaient malheureusement au ralenti à cette époque et j'ai profité du nouveau statut d'auto-entrepreneur pour commencer à travailler. Mon activité freelance s'est développée, et de simple complément de revenu, elle m'a permis de gagner suffisamment pour en vivre. Je garde toutefois en tête la possibilité de retrouver un poste de salarié, à condition que les bonnes conditions soient réunies.

Tradonline : Quels avantages/inconvénients/opportunités/menaces voyez-vous à ce statut dans cette activité ?

Laurent : L'avantage du freelance dans un métier comme la traduction est qu'il est, à mon sens, plus facile de se constituer une clientèle que de trouver un poste de salarié, d'autant plus dans le contexte économique actuel. Les entreprises sont frileuses et préfèrent payer un service au besoin plutôt que de "s'embarrasser" d'un salarié. Côté traducteur, il y a bien sûr l'incertitude liée à la régularité du travail, c'est pourquoi il est important de choyer ses meilleurs clients, de prospecter régulièrement et de ne négliger aucune piste. Travailler en indépendant requiert par ailleurs des compétences qui ne sont pas forcément innées: organisation, discipline, prévoyance, patience et réactivité.

Tradonline : La filière est en pleine évolution, avec des changements avec des impacts d’importances variables…quelles sont les évolutions les plus importantes à votre avis, celles qui ont ou auront le plus d’impacts sur votre activité de traducteur indépendant à court et moyen terme ?

Laurent : Je ne suis pas sûr d'exercer depuis suffisamment longtemps pour percevoir l'ensemble de ces changements. Mais je pense que les nouvelles technologies revêtent déjà une place importante et que cela va s'accentuer dans les années à venir. Je pense notamment aux divers usages d'Internet comme les réseaux sociaux professionnels, les blogs ou encore Twitter. Ce sont des outils qui permettent d'améliorer la visibilité, de créer un réseau et qui débouchent parfois sur des contrats.

Tradonline : Au sujet de ces évolutions, pensez-vous que les entreprises de traduction et les traducteurs indépendants seront impactés différemment ? Si vous pouviez préciser…

Laurent : Concernant l'usage des nouvelles technologies, je crois que tout le monde est concerné. Mais il est évident que les entreprises ne s'en serviront pas de la même façon qu'un traducteur, puisque les objectifs de chacun ne sont tout simplement pas les mêmes.

Tradonline : Vous avez, me semble-t-il plus de clients directs que de clients « entreprise de traduction » (contredisez-moi si je me trompe). C’est un positionnement qui n’est pas commun sur le secteur. Surtout « en début » de carrière. Est-ce une véritable stratégie de positionnement de votre part ? Quels efforts particuliers cela vous demande-t-il ? (au sens commercial, organisation personnelle, …, par ex.) ?

Laurent : En effet, j'essaye de travailler le plus souvent possible avec des clients directs, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il va sans dire que la rémunération est plus intéressante, du fait qu'il n'y a pas d'intermédiaire à payer. De plus, j'ai une liberté totale pour choisir mes collaborateurs, et donc les textes sur lesquels je vais passer le plus clair de mon temps. Cela dit, je travaille également avec une ou deux agences qui m'assurent un travail plus régulier. Le tout est de trouver le bon équilibre entre la quantité de travail et les revenus visés. Par ailleurs, lorsque je travaille directement avec une entreprise, je ressens toujours un peu plus de pression car je sais qu'il n'y a pas forcément un réviseur pour rattraper mes étourderies, je dois donc être doublement vigilant.

Tradonline : En France, il existe des milliers de traducteurs, des centaines d’entreprises de traduction…et la notion de frontière dans cette activité n’existe (presque) plus, avec une concurrence grandissante. Pourtant, toujours en France, il nous semble que la coopération dans la filière entre les différents acteurs et leurs représentants est très limitée (voire totalement absente). Je parle aussi bien des traducteurs, entreprises de traduction et fabricants ou distributeurs d’outils associés. Qu’en pensez-vous ?

Laurent : J'ai le sentiment qu'en France, comme dans d'autres pays, le métier de traducteur est encore assez méconnu, aussi bien du grand public que des entreprises. Il y a un gros travail de sensibilisation à faire pour que nous soyons mieux considérés et que notre travail soit reconnu. La traduction est trop souvent perçue comme un coût superflu. Par ailleurs, le fait que la plupart des traducteurs en France soient indépendants, et donc a priori seuls chez eux, favorise l'isolement par rapport aux collègues ou aux clients. Les donneurs d'ordre comme les traducteurs ne font peut-être pas assez pour sortir de cet isolement, ce qui est pourtant faisable en utilisant les nouveaux outils technologiques ou en rejoignant des associations professionnelles par exemple.

Tradonline : Comment caractériseriez-vous la relation entre traducteurs et entreprises de traduction aujourd’hui en France ?

Laurent : Compte tenu de ma clientèle, je ne suis pas sûr d'être le mieux placé pour en parler. J'ai cependant tendance à penser, comme je le disais, que le traducteur est trop rarement reconnu à sa juste valeur. Pourquoi la traduction serait-elle le seul métier où le client fixe le tarif de la prestation ? Mon plombier ne m'a pas demandé mon avis lorsqu'il m'a présenté sa facture. Par ailleurs, trop d'agences sous-payent leurs traducteurs qui sont alors obligés de travailler soirs et week-ends pour un revenu décent en fin de mois. Quand les employés revendiquent des hausses de salaire pour compenser l'inflation, les agences imposent des baisses de tarifs aux traducteurs. Il existe un rapport de force qui n'est pas naturel entre traducteurs et donneurs d'ordre, et je ne vois malheureusement pas comment l'inverser.

Tradonline : De nombreux traducteurs sortent nouvellement diplômés chaque année (+ les personnes se lançant dans cette activité dans diplôme mais une expertise sectorielle). Avez-vous des conseils à leur donner ? Un regard expérimenté à leur apporter ?

Laurent : Encore une fois, je suis diplômé depuis moins de deux ans et je n'ai pas l'expérience de certains de mes confrères. Je pense que le plus important est de savoir ce que l'on veut: avec qui travailler, comment, combien de temps, quelle place donner à sa vie personnelle, afin de mettre en place une stratégie. Par ailleurs, il ne faut pas hésiter à se renseigner auprès des associations professionnelles et à contacter des traducteurs déjà installés. Les nouveaux diplômés de l'ESIT ont, par exemple, la possibilité d'avoir un "tuteur", un traducteur au profil similaire qui l'aide à faire ses premiers pas dans sa vie professionnelle.

Tradonline : Y-a-t-il un autre sujet sur lequel vous aimeriez vous exprimer ici ? (au-delà de votre blog qui vous sert justement à cela…)

Laurent : Il y a tant de sujets liés à la traduction qui mériteraient d'être évoqués en profondeur que ce serait bien trop long ici !

Tradonline : Merci Laurent pour ce moment de partage de votre expérience et parcours.

Si vous souhaitez en savoir plus sur Laurent et suivre les aventures d'un traducteur indépendant, le blog de Laurent : NJATB

 


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