J'ai demandé aux élèves de Terminale de rechercher sur le web des documents statistiques sur les différentes formes d'inégalités économiques et sociales sur le web et d'en faire un rapide commentaire. Mon objectif était double:
- leur faire connaître un certain nombre de sites (dont l'observatoire des inégalités) qu'ils pourront, au cours de leurs études supérieures, réutiliser.
- les confronter à des indicateurs statistiques. En effet, ils ont encore trop souvent tendance à ne pas donner d'ordre de grandeur chiffré ou à paraphraser les données des documents. J'ai ramassé quelques unes de leurs recherches, elles étaient de bonnes qualités, leur commentaire résumait l'essentiel de ce qu'il fallait faire apparaitre.
Je voudrais compléter le cours à partir d'un rapport du Centre d'Analyse Stratégique (n°20: la peur du déclassement) dont j'ai extrait les documents suivants:
Quelle a été l'évolution du pouvoir d'achat depuis 20 ans ?
La courbe en noir se situe toujours au dessus de 0 : le pouvoir d'achat a donc augmenté en permanence, même s'il a connu des fluctuations sensibles.
Ainsi, comme on pouvait s'y attendre, la reprise économique de la fin des années 1990 a entraîné une progression forte et durable du revenu disponible brut (somme des revenus liés à une participation à l'activité de production de richesses + revenus sociaux - prélèvements obligatoires) :en 1996, il progresse de + 0.5 % par an et en 2002 la hausse atteint 3.5 %).
2007 et 2008 sont deux années durant lesquelles ce revenu continue d'augmenter mais beaucoup moins vite (en 2007, + 3 % de croissance alors qu'en 2008 + 0.8 %).
Le graphique donne des éléments d'explication:
- à long terme, les revenus du patrimoine participent de façon régulière à la hausse du poouvoir d'achat.
- en période de reprise de l'emploi (fin des années 1990), ce sont les revenus de l'activité qui apportent la plus grande contribution.
- en période de croissance faible (début des années 1990, récession de 1993), ce sont les revenus sociaux qui soutiennent la progression du pouvoir d'achat.
Quelle a été l'évolution des inégalités de revenus / niveaux de vie ?
Si on raisonne maintenant en termes d'inégalités, le rapport interdécile montre une relative stabilité des inégalités de revenus depuis une dizaine d'années (voir ici)
Le document suivant confirme en montrant que les classes moyennes ont amélioré leur position relative en France, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays (aux Etats-Unis ou même en Allemagne, leur situation relative s'est dégradée)
Pourtant, je sens bien à travers mon écran que cela vous dérange.... Si, si, vous avez le sentiment d'un décalage entre ce que vous ressentez et ce qui vient d'être décrit....
Quelle perception avons-nous de l'évolution de nos conditions de vie ? On retrouve la même influence du contexte économique sur la perception subjective des ménages: la période de reprise économique de la fin des années 1990: les opinions optimistes sont supérieures à celles qui anticipent une dégradation des conditions de vie à moyen terme. C'est l'inverse lors de la récession de 1993.
Mais ce qui est frappant, c'est la progression très forte d'anticipations pessimistes à partir des années 2000 (14 % des ménages pensent que leurs conditions de vie vont se dégrader en 2001, ils sont 51 % en 2009, leur part est multiplié par 4 !!)
Ce graphique amplifie la tendance au pessimisme: les français sont les plus nombreux a anticipé une aggravation des inégalités (56 % des français sont tout à fait d'accord, contre 49 % dans l'Union Européenne).
Continuons la démarche comparative avec le document suivant
Je ne reviens pas sur l'influence du contexte économique qu'on voit encore apparaître ici. Cependant, deux faits intéressants doivent être mis en évidence:
- les hauts revenus sont les seuls à avoir un solde presque toujours positif sur les vingt dernières années, et ils sont encore les seuls en 2007 à développer des anticipations plutôt positives. A noter que l'écart entre les perceptions subjectives des hauts revenus et des bas revenus est resté stable (environ 25 points)
- l'évolution des classes moyennes est significative: leur perception est de plus en plus pessimistes (en 2001, un solde de + 7 et en 2007, - 23) et elles se rapprochent du pessimisme des bas revenus.
On retrouve cette idée dans le graphique suivant: les classes moyennes sont celles qui craignent le plus le déclassement pour leurs enfants, cette peur est en augmentation depuis 10 ans.
Il ne s'agit pas de nier les réelles difficultés en montrant (comme à propos de l'insécurité) qu'elle n'est qu'un sentiment.
On voit nettement (et j'en avais déjà parlé dans SOS...SES) dans le graphique suivant la montée très importante des dépenses contraintes dans le budget des catégories modestes. Ce qui, évidemment, explique le sentiment de baisse du pouvoir d'achat: plus de dépenses contraintes = moins de liberté = moins de pouvoir (dacheter ^^)!
Il y a donc un décalage important entre perception objective et subjective.
J'ai lu récemment "La peur du déclassement" d'Eric Maurin, il réalise le même constat....je lui emprunte cette citation qui me servira de conclusion:
"Source de concurrence généralisée et de frustrations, la peur du déclassement est en train de devenir l'énergie négative de notre société."
Pour compléter, on peut relire:
- Zoom sur...les inégalités de salaire
- S'il te plait, dessine moi la société