Un jour, dans mes petites Corbières, un homme est venu se perdre avec son camion tout gris.
Dans le village, l'affaire a fait grand bruit.
Vous comprenez, sa plaque minéralogique était blanche et rouge et n'indiquait rien de bien françois.
Alors d'occitan...
Petit à petit, l'homme est sorti tous les matins de son camion tout gris.
Comme façonné dans la pierre dure, sans aucun artifice, par la taille d'abord j'ai été saisie.
Petit à petit, dans nos vies il est entré.
De curieuses consonnances wallonnes il nous a bien appris.
Petit à petit, je l'ai apprivoisé.
De la retenue au début, je l'avoue, j'ai fait montre.
C'est qu'il aurait pu être mon grand-père, ce grand barbu.
Petit à petit, je l'ai aimé.
De culture infaillible, mes lacunes fromagères il a comblé.
C'est qu'on déguste pas un Herve comme ça, même avec un Prieuré de Capendu.
Petit à petit, fan je suis devenue.
L'humour dans une poche, la tendresse dans l'autre,
Jamais l'homme ne s'est vraiment donné.
Petit à petit pourtant, sa vie il nous a confiée.
Mais jamais, jamais de l'aide il n'a osé demander.
Alors que lentement, le mal s'en est mêlé.
Petit à petit, la vie a cédé.
Et ce soir, l'homme s'en est allé.
Discrètement, presque pudiquement, tel qu'il était.
Petit à petit, entre autres le souvenir que d'André, je garderai.
Mais jalouse je confie d'être.
Car voyez-vous, André, je n'étais pas seule à l'aimer.