Dominique de Villepin s'installe en travailleur du sens. C'est le contenu de ses déclarations ce matin sur France Info. Identité nationale, place de l'Histoire dans l'enseignement ... sont les sujets qui lui imposent de marquer sa différence.
La France baigne dans son histoire. Les témoignages du passé sont innombrables sur son territoire. 40 000 monuments historiques sont protégés par l'Etat (châteaux, cathédrales, églises, monastères…).
Si chaque monument était visité à hauteur de 1 monument par jour, il faudrait 109 ans pour les voir tous…
Par sa présence, le passé cerne donc les Français. Si les Français ont un rapport apaisé simple avec leur histoire lointaine, il en est tout autrement du proche passé.
Cette situation est grave dans la construction intellectuelle classique des Français avec le temps. Le passé occupe une place permanente à part entière dans la culture française. Tout est présenté comme constituant une chaîne de solidarité dans le temps avec des devoirs de continuité.
Pour les Français, le passé oblige, crée des devoirs. Cette conception n'est pas celle de toutes les Nations. Ainsi, pour les Américains, le passé n'oblige à rien. C'est du temps " passé " qui est derrière et ce qui compte c'est le présent.
Ce rapport des Français avec le passé entraîne trois conséquences pratiques majeures.
Tout d'abord, chaque évènement présent a vocation à être relié à un évènement passé analogue. Tout est construit comme si le passé avait ouvert des cases au sein desquelles chaque évènement ultérieur avait vocation à s'intégrer constituant ainsi un parallèle permanent entre le présent et le passé, donnant également un sens au présent en raison de ce rapport avec le passé.
Ensuite, la passé est l'occasion de magnifier l'action de la France : son rôle civilisateur, sa place spirituelle dans la défense des Libertés, ses fonctions universelles.
Parce que ce rapport au passé est l'occasion permanente de commémorer une version valorisante de l'Histoire de France incarnant une mission universelle dans certains domaines dont les Droits de l'Homme, tout évènement de nature à rompre cette " tradition culturelle " pose un grave problème d'interprétation donc d'intégration dans ce paysage historique. C'est le cas tout particulièrement par exemple de la décolonisation.
La France aime être référence. Comment garder ce statut ?
Enfin, cette remise en question est d'autant plus délicate à conduire quand au même moment les " modèles français " s'effondrent manifestement. Ces deux mouvements perturbent les repères traditionnels et favorisent l'actuel désarroi collectif.
La conception française met l'accent sur le passé et sur l'avenir. Elle néglige le présent qui ne serait qu'un point de passage entre les deux.
Cette conception est entièrement remise en question quand le passé n'est plus une clef unique d'interprétation et quand l'avenir n'est pas pour autant un objectif vivant clairement identifié.
Cette situation là explique l'actuelle confusion.
Une confusion que l'ancien Premier Ministre dénonce. Il appelle à retrouver du sens :
- en respectant un passé qui doit être honoré,
- en conservant la place de ce passé dans la construction intellectuelle des lycéens toutes filières confondues,
- mais aussi en désintrumentalisant certains débats qui méritent davantage de hauteur et de quiétude.
C'est un réel enjeu de gouvernance qui est ainsi ouvert non seulement sur la méthode mais également sur le contenu des mobilisations collectives. Un pas de plus important vers un marqueur de candidature ...