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Les périphrases de la pudeur

Par Choupanenette

La langue anglaise est comme le bon vin : elle gagne en vieillissant. Chaque jour, grâce à la pudeur subtile de ceux qui la parlent, elle s'enrichit de quelque métaphore ingénieuse, où s'adoucit la crudité de certains mots et où s'estompe le terre à terre  de certains termes.
Aussi ferons-nous bien de nous hâter de feuilleter le petit lexique de la vertu britannique, car, sous peu, il sera devenu dictionnaire.
A tout seigneur, tout honneur. Le mot qui a subi le plus de métamorphoses et le plus déferlé l'imagination des linguistiques est : Water-Closet. Il y a quelques vingt ans (cet article est de 1901) on avait imaginé de l'abréger pour heurter moins les convenances, et on le désignait simplement par ces deux initiales : W.-C.
- Où est le W.-C. ? demandait-on timidement, avec un sourire mystérieux, le sourire de l'initié, aux garçons de café ou aux valets de chambre de l'hôtel.lavatory
Mais ces deux pauvres petites lettres étaient vraisemblablement de trop, et on les a supprimées depuis beau temps pour les remplacer par le mot de : Lavatory. Lavatory, c'est doux, harmonieux, élégant, mais cela a un grave défaut : ça éveille l'idée de laver, ça éveille l'idée de quelque chose de pas propre. Aussi, aujourd'hui, dit-on : Cloat's-room (vestiaire), jusqu'à ce qu'on ne dise plus rien et qu'on se fasse comprendre par signes, ce qui ne saurait tarder !
Dans le même ordre d'idée, on peut signaler l'extraordinaire appellation réservée à notre mot de : Indispensable. Les Anglais, eux, appellent ça : du curling paper, du papier à friser ! Pourquoi à friser, mon Dieu ! Pourquoi ?
On pense bien que les vêtements de dames n'ont pas échappé à la vigilance de la pudeur britannique : corset est devenue stays (mot à mot : support) ; quant à ce que nous, Latins corrompus, nous sommes convenus d'appeler pantalon, je vous donne en mille à deviner ce que le génie anglo-saxon  en a fait ! Ça s'appelle knicker-bockers !...
Mais tout cela n'est encore rien à côté de la table de nuit. Ah ! dame, là, les Anglais ont trouvé quelque chose de nuageux, de délicat, qui éveille en l'âme des sensations artistiques et des émotions de poètes ! Savez-vous comment il l'appelle, la table de nuit ? China cup board, littéralement : armoire pour tasse de Chine...
Après celle-là, il n'y a plus qu'à retirer l'échelle.


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