On pourrait presque l’aimer, cette route. Et ce n’est pas faute de la parcourir, car l’adaptation du roman de Cormac McCarthy réunit les talents devant et derrière la caméra. Mais peut on réellement ressortir de ce film sans autre sentiment qu’une culpabilité sans fond?
Redevenons sérieux. Si La Route reste l’un des films les plus déprimants de ces dernières années, ça n’est pas négatif. John Hillcoat reste immensément fidèle au bouquin et livre un film tendu et inquiet, froid et austère. Dur de ne pas penser au pire dans ce road trip post-apocalyptique où un père et son fils errent sur les routes dans un environnement atomisé, réduit à néant. Pas d’explications, pas de réels buts, juste une perdition totale. En cela, on retrouve un peu du McCarthy, auteur d’un autre livre d’hommes au milieu du désert. Sauf que ça se passait de nos jours, à la frontière américaine et ça s’appelait No Country For Old Men. Propulsé dans un futur incertain, dans un autre coin des USA, cette Route est une vision des plus pessimistes de l’avenir, torturée entre l’espoir de vivre et la renonciation de certains, entre suicides et cannibalisme.
Autant vous le dire, The Road pousse le film de survivants à son extrême. Sans être gore, le film dessert son quota de course poursuite (minimaliste), de scènes flippées (ah, cette cave servant de réserve..) et de joies contenues (ah, cette cave…). On parle humanité face à une situation extrême, mais on parle aussi d’amour. Amour d’un père pour son fils, d’un fils pour son père et le rôle de la mère (magnifique Charlize Theron) qui les propulse en dehors du cocon familial le temps de s’enfonçer dans un brouillard épais. S’il n’était d’ailleurs le côté survival, on pourrait se dire que l’Antéchrist n’est pas loin, mais ici ce sont les hommes le Mal. Evidemment on n’empêchera pas les comparaisons avec notre société, et The Road pourrait en dresser un portrait bien ironique. Ou plutôt une fin, du genre « société capitaliste : the end ». On ne saura pas ce qui a provoqué cette fin du monde, et les théories fuseront plus tard (atomique? réchauffement climatique?..). Peu importe, on regarde Viggo Mortensen (aussi magnifique, même si on commence à connaître sa filmographie barbue) et un jeune acteur formidable (Kodi Smit-McPhee) tenter d’avancer le long d’une route symbole de vie, pour un but inconnu, et en ne sachant qu’une seule chose ; s’arrêter signifie mourir. C’est sombre, c’est noir mais maîtrisé. Et tout au long de leur cheminement, on croise la galerie de monstres à apparence humaine, ces survivants anthropophages incarnant le côté obscur de l’humanité.
Triste désolation dans une fuite vers une fin inéductable, The Road se permet juste de terminer sur une bonne note. Un espoir infime trop facile pour s’en contenter, et une demi déception lorsqu’on voit comment le film remplit facilement ses deux petites heures autour du couple principal. Mais évidemment on ne peut demander à certains de finir sur une mauvaise note. Vrai film de survivants, The Road est un petit chef d’oeuvre à ne pas rater. On y notera les présences anecdotiques mais sympathiques de Robert Duvall et Guy Pearce.