Françoise Lepage, illustré par Bruce Roberts
Les 400 coups
32 pages
Résumé:
Ce Florent Létourneau était un drôle de gars ! Il ne se fatiguait ni à défricher la terre, comme tous les autres, ni à rendre visite à ses voisins. Un certain soir de Noël, il était même parti seul en forêt relever ses pièges... Mais mal lui en prit !
Mon commentaire:
J'aime énormément la collection Billochet, publiée aux 400 coups. Elle remet au goût du jour d'anciens contes de nos régions, en les illustrant. Même s'ils sont classés dans "jeunesse", ce sont rarement des histoires pour les plus petits. Ils s'adressent beaucoup plus aux adultes ou aux grands enfants. Le public ciblé est à partir de 8 ans. Je trouve personnellement que c'est un peu jeune.
Ce conte-ci s'inspire d'un conte de Louis Dantin, La messe de Florent Létourneau, issu de la tradition canadienne française. Elle raconte en fait l'histoire d'un homme, qui ne se souciait aucunement des rites religieux. Dans un pays qui a longtemps été gouverné par l'église, son geste choque et l'empêche même de se marier avec celle qu'il aime. Le soir de Noël, alors que tout le village passe près de lui en cariole pour aller à la messe, chacun propose à Florent Létourneau de les accompagner. Il refuse et s'enfonce dans les bois relever ses pièges.
Dans les contes québécois, la présence du diable est très souvent au rendez-vous lorsque la religion n'est pas scrupuleusement respectée. Florent Létourneau fera une rencontre dans une grotte qui frise l'horreur et il sera témoin d'une scène de la nativité qui donne le frisson. Quand on le retrouvera le lendemain, Florent aura changé complètement et reprendra le droit chemin vers la religion.
L'histoire de Florent Létourneau est très intéressante car elle nous plonge dans un Québec pas si lointain où il était mal vu de ne pas se conformer aux régles régissant l'église. L'album ne contient malheureusement aucune note ou données sur l'auteur original du conte et j'aurais trouvé intéressant d'y inclure un dossier. J'ai donc fais quelques recherches sur Louis Dantin.
Dantin est né en 1865. Il s'appelait en fait Eugène Seers. Il a publié entre autres, un recueil de contes de Noël en 1936. Deux noms, deux personnalités. Sous le nom de Seers, il s'occupait d'une revue religieuse. Sous le nom de Dantin, il publiait des contes et des histoires. J'ai pu trouver la nouvelle originale et la lire. Je dois dire que l'adaptation de Françoise Lepage est excellente. Elle y reprend vraiment l'essentiel de l'histoire.
Un mot sur les illustrations. Pour mon goût tout personnel, les illustrations abstraites ne me plaisent en général pas beaucoup. Même si elles n'ont pas ma préférence, celles-ci rendent assez bien le texte, que ce soit le petit village dans la tempête ou le mouvement des démons dans la grotte.
Il faut savoir que ce conte de Noël parle en quelque sorte de la persécution religieuse. Florent Létourneau entrera dans le droit chemin selon l'église et deviendra un vaillant fidèle. Presque trop. Quant à la scène dans la grotte, c'est une reconstitution cauchemardesque de la nativité et une leçon toute religieuse sur la conduite à tenir. Sinon... la menace n'est pas très loin.
L'album est dédié aux victimes de l'intolérance religieuse, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs.
Un extrait:
"Quand j'étais petit, je passais Noël chez mes grands-parents. Comme la nuit vient très vite en décembre, nos jeux dans la neige et le vent s'arrêtaient avec l'obscurité et nous ne tardions pas à rentrer à la maison. Pour nous occuper, mon grand-père nous faisait asseoir autour de lui, près de la cheminée. Il s'installait sur une chaise basse pour être à notre hauteur et, les coudes sur les genoux, il nous contait des histoires. Toutes sortes d'histoires. S'il en est une que je n'ai jamais oubliée, c'est bien "Le Noël de Florent Létourneau", dont les mots hantent encore ma mémoire, comme si je les avais entendus hier."