Caisson est un
livre dont l’écriture pourrait sembler lapidaire si elle ne se tenait à
l’essentiel : il est difficile de travailler une matière qui semble mince,
et j’entends par matière non pas le sujet mais la façon. La pratique de
l’écriture amène le plus souvent – pour ne pas dire toujours – à élaguer,
rogner, supprimer, plutôt qu’à ajouter : l’équilibre qui fera qu’on
abandonne le livre à ce qu’il est, on le sait, ne paraît tenir que du possible.
De ce point de vue, Stéphanie Ferrat a trouvé un équilibre juste qui fait que
son livre tient. Et c’est précisément dans cette minceur que son écriture prend
son épaisseur.
Un caisson peut enfermer celui
qui vit autant qu’il peut permettre de respirer à celui dont la vie en
dépendrait ; il peut être étanche autant qu’il peut être ouvert ; sans
doute est-ce dans ces évocations contraires que le poème se donne à lire, et
qu’importe au fond : l’important n’est-il pas qu’il donne à entrer comme à
résister ? Cette espèce de respiration courte, Stéphanie Ferrat la rend de
façon précise : peu de vers sur la page et des vers courts, des blancs qui
isolent – et elle est accentuée par un statisme, une minéralité du poème :
verbes à l’infinitif, réduction aux éléments nominaux, rareté des
épithètes : autant d’éléments qui semblent l’inscrire dans une verticalité
ramassée. Les interlignes qui incitent à respirer ne sont pas ornementaux mais
libèrent du temps.
Cinq pages dont le texte est
en italique rythment le livre ; débutant par une anaphore (« qu’est
devenu… »), ils développent un poème plus long, dont le lyrisme est davantage
marqué et qui forme une espèce de contrepoint. Leur anaphore ouvre un espace de
la nostalgie qui fait écho à un « tu » (pronom personnel) qui revient
à quelques reprises, et semble évoquer un destinataire précis : pourquoi ne
pas le relier au sens vital du mot caisson ? à l’espace de l’atelier,
puisque Stéphanie Ferrat est aussi plasticienne ? aux deux ? Ces cinq
pages, à cause de leur régularité et de leur rupture, contribuent à renforcer
l’équilibre de l’ensemble.
Les thèmes du corps et de la
sensation
juste laisser la bouche
au creux des
poires
de la nature végétale et animale donnent l’impression qu’il y a peu
d’humain dans l’espace du poème, mais je le lis au contraire non pas comme un
désengagement de l’humain mais comme une intériorité constante, ainsi qu’en
témoignent ces trois vers :
d’en bas
ce n’est plus
possible
le spectacle des
hommes
Autre forme d’exigence qui mène
à la sobriété, à cette espèce d’écriture minimale qui ne l’est pas par coquetterie
de mots ou d’apparence, mais bien parce qu’elle cherche à viser au plus juste.
Ce qui pourrait être une définition de la poésie.
Contribution de Ludovic Degroote, publiée par Florence Trocmé
Stéphanie Ferrat – Caisson – La
Lettre volée, 2009, 16,50 €
Fiche
de ce livre, que l’on peut en partie feuilleter, sur le site de l’éditeur