Nicolas Sarkozy va peut être regretter de s’être aventuré un peu précipitamment sur les terres de chasse de l’extrême droite. Alors que la radicalisation de l’UMP met à mal sa propre unité, à l’image des départs de Jean-Luc Roméro et d’Hervé de Charrette , un nouveau vent mauvais venu de Suisse risque de toucher la France. La Confédération est amenée à se prononcer sur l’invalidation de l’initiative populaire de l’UDC qui demande l’expulsion des étrangers délinquants.La question sera tranchée cette semaine par le Conseil des Etats, mais pose déjà le problème de sa compatibilité avec le droit international.
Le populisme, passer au-dessus des élites ou corps constitués pour s’adresser directement au peuple, a le vent en poupe en Europe. En France cette tendance est en particulier incarnée par Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal côté pile et côté face d’une même pièce. Ouvrir cette boîte de Pandore,c’est jouer avec les maux de l’humanité et tourner le dos à cette recherche de démocratie apaisée maintes fois mentionnée.
Le 21ème siècle est-il condamné à être une nouvelle période marquée par la peur ou, la simple espérance y a-t-elle encore sa place ? Le débat qui s’ouvre en Suisse apportera une esquisse de réponse. Il est symptomatique de constater que notre voisin transalpin qui abrite tant de sièges d’organisations internationales flirte coup sur coup avec des règles de droit international censées garantir des droits jusque là considérés comme fondamentaux en l’espèce, la Convention européenne des droits de l’homme.
Cette situation démontre les limites du système d’initiative populaire qui ne nécessite que l’accord de 100 000 citoyens. Le Conseil fédéral explique, et c’est bien le problème, qu’en dépit de sa non-conformité au droit international, l’initiative sur le renvoi des étrangers délinquants doit être soumise au peuple. La Suisse touche là les limites de son système constitutionnel.
Comme tout un chacun, la Suisse a des côtés sombres. Il serait arrogant de vouloir faire la leçon à un état attachant qui n’a pas à rougir de son passé et ses institutions jusque là données en exemple pour leur vitalité démocratique. A cet égard, les allusions et sous-entendus douteux de Daniel Cohen-Bendit et de Jean-Luc Mélenchon à l’occasion de la polémique sur les minaretssur la neutralité de la Suisse pendant la seconde guerre mondiale sont ignobles. “Minables” comme dirait le leader écologiste au regard de l’attitude de la France et de l’Allemagne pendant cette période de l’histoire.
Il ne convient donc pas de stigmatiser le peuple suisse mais de tenter de comprendre la descente aux enfers qui le frappe afin de s’en prévenir ailleurs en Europe, dans des territoires moins prospères. La question du refoulement des étrangers délinquants fait son lit dans cette peur de la mondialisation et de la perte d’identité et de repères qu’elle représente. Cette situation donne raison à la citation d’Antonio Gramsci selon laquelle, “La crise, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître“.
Confrontée à la montée en puissance de nouveaux continents et au développement de la mobilité des individus, la vieille Europe souffre de son absence de sentiment d’appartenance à un ensemble européen, à un même peuple européen. Bref, d’appartenir à une communauté de destin. Faute de perspectives, d’avenir rendu désirable, le repli sécuritaire semble un réflexe inévitable. Ne reste plus alors qu’à“allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté” comme le préconisait Romain Rolland.