Je ne suis pas vraiment en règle pour faire ma sortie du Cap Vert, faute d’avoir fait les papiers à Sao Nicolau, avant de revenir vers Sal. En effet, le premier jour à Tarafal, le bureau du port est fermé, le deuxième jour est passé à réparer l’annexe et le hors bord sabotés, quant au troisième jour, tant pis, fait chier. Le douanier de Palmeira n’a pas cru à mes bobards et nous a juste un peu grondé. Nous partons donc de Palmeira le 2/12 et mouillons une dernière journée au sud de l’île, à Santa Maria. J’ai en effet promis à Nikko une baignade dans l’eau turquoise de la baie. Nager ne lui réussit pas et rend plus aigue sa douleur thoracique. A l’hôpital, la radio révèle que ce que nous croyions être une côte félée, est en fait plus grave: deux côtes cassées qui irritent la plevre. Il est désormais bandé avec le bras droit immobilisé. Lorsque je lève le mouillage vers une heure du matin, direction Dakar, il me prie de ne pas partir tant sa douleur est forte mais nous n’avons guère le choix: La sortie du Cap vert est faite, le diagnostic de son mal établi, douloureux mais pas dangereux. Rien à faire sinon du repos et des calmants.
Je décide de partir quand même. Galapiat quitte à peine le mouillage sous pilote que je me mets en quête
dans la pharmacie du bord de quelque chose de plus fort que les medocs qui lui ont été prescrit et qui sont manifestement insuffisants pour endiguer le mal. Nous sommes au près serré et je ne toile pas trop pour éviter les secousses trop douloureuses. Heureusement, l’alizé a faibli à 15 nœuds et la mer est moins formée. Ça devrait aller. Mal en point, avec un seul bras valide, je place Nikko hors quart, hors manœuvre, hors tout et me prépare pour une nouvelle solitaire « accompagnée » . Le pilote , le radar et l’absence de trafic sur la route me permettent de dormir autant que je veux. La seule différence avec mon Las Palmas-Cap Vert en solo est que je ne discute pas qu’avec moi-même et que, n’étant pas seul, je prépare les repas à heures à peu près normales et non pas en fonction de mes rythmes fantaisistes. Pour le coup, je me surpasse avec ce qui reste de frais : Mes Carbonaras sont parfaites et mon tout premier gratin dauphinois est une authentique réussite. Pas bien compliqué finalement la cuisine quand on prend son temps et qu’on suit tranquillement les instructions de Françoise Bernard. C’est d’ailleurs curieux car il n’y a qu’en navigation que j’apprécie de me mettre aux fourneaux. Au mouillage, ça ne me dit rien. A terre, je n’ en parle même pas. Dakar n’est pas bien loin, 400 milles et deux jours et demi plus tard, nous sommes en vue de la pointe des Almadies. L’atterisage est sans malice sauf que, sans son sondeur ni carte, j’y vais tranquille quand même. Pour une fois que je comptais me servir de cartographie électronique, le PC a justement choisi ce moment pour planter. L’Afrique noire nous accueille par une nuée exubérante de papillons qui envahissent le moindre recoin du bateau, puis d’insectes en tous genres. Le ciel est plombé et le vent tombe d’un seul coup, alors que nous longeons Dakar. La navigation se termine par deux heures de moteur, la plus longue période d’affilée de ronron connue depuis les Canaries. Je laisse l’île de Gorée à babord et me glisse vers la plage de Hann, en face du fameux CVD (Cercle de Voile de Dakar). Hann est plus proche de la bouche d’égout que de la plage paradisiaque mais le CVD est familial et particulièrement agréable. Trop, peut-être. Carrefour de ceux qui arrivent, qui repartent, nombreux y trainent leurs tongues depuis plusieurs mois. J’y retrouve l’équipage de Baloo, tanké ici depuis un mois et dont le petit Demian jouait avec Thao et Ewen il n’y a pas si longtemps que cela. Pour ma part, je ne compte pas y rester plus de deux jours car, faute de pouvoir profiter des enfants ici, je suis obligé de revenir en France pour les voir. Cette période de fêtes et de froid ne m’enchante guère mais je n’ ai pas le choix. Pas de temps à perdre donc : identifier le meilleur endroit pour laisser le bateau en sécurité durant un mois. Pas Dakar à priori, trop aléatoire, mais plutôt dans un bolon tranquille de Casamance surveillé par un chef de village, trouver des cartes ad hoc et les tables de marées pour entrer dans la rivière de jour et avec le flot, réserver des billets pour Paris puis pour le sud, démerder le PC, parcours du combattant auprès de la police, des douanes, des affaires maritimes pour mon entrée dans le pays et… partir pour la Casamance.Le dimanche, après plusieurs recoupements, tout est clair mais un peu compliqué: C’est la course pour tout
boucler et planifier soigneusement la nav, surtout l’entrée et le cheminement en Casamance. Je ne suis que modérément emballé par la suite: la passe d’entrée de Casamance est réputée vicieuse, surtout sans sondeur, le Bolon qu’on m’indique pour laisser le bateau en sureté est à peine mentionné sur la carte. Il faut d’abord que je m’arrête dans un bled appelé Kachiouane, que je cherche un dénommé Ivonic, afin qu’il m’indique les pièges et le lieu exact ou je peux mouiller. Une fois Galapiat garé, amarré, rangé et fermé, il y aura ensuite deux heures de pirogue pour rejoindre Elinkine, un autre bled, puis quelques heures de Taxi brousse pour Ziguinchor et puis enfin, 24h de bac pour retourner à Dakar et prendre mon vol dans la foulée. Je n’ai pas intérêt à me rater car je n’ai guère de marge -Il n’y a que deux bacs par semaine pour Dakar - et il faut que j’en garde pour les aléas africains.…. De nouvelles expériences en perspectives donc. Avec tout ça, j’espère me retrouver à Paris le 16 Décembre, retrouver les enfants et descendre dans le sud avec eux pour un petit mois. Faut y croire, non? Tout cela est plutôt aléatoire, certes, mais après tout, si je souhaitais autre chose, je pouvais toujours rester à faire des ronds dans l’eau entre Hyères et Porquerolles…