Je ne parlerai pas de mon premier jour chez PDG, mes collègues sont les mêmes sans en être, ils me parlent, me surveillent et m'encadrent, veillent sur moi, je suis le petit nouveau, je suis celui qui assiste, je suis celui qui corvée, qui assume, qui dit oui. Mes collègues sont les mêmes, j'aurais tout aussi bien pu ne pas changer de boite, ça n'aurait rien changé, justement. Mes collègues sont les mêmes, me voient comme un extra-terrestre sans doute, un de ceux qui lisent et qui ne parlent pas, un de ceux pour qui l'ambition professionnelle et les bonus de fin d'année ne représentent rien, un de ceux pas comme nous qu'on aimerait bien connaître mais qu'on ne sait pas par quel bout accrocher.
Je ne parlerai pas de mon premier jour chez PDG, je suis parti à l'heure. Montre en main, chronomètre, afin de savoir exactement où être et à quel heure franchir tel ou tel point de passage : déterminer pour plus tard les standards de transport et horaires subis quotidien, afin de savoir, justement pour plus tard, comment rentrer chez moi, et surtout quand, et surtout quels délais. Je ne suis plus aux portes des Halles dans un bureau minuscule, je suis dans un bureau de taille respectable, dans le 17e arrondissement, aux portes de Clichy, qui possède d'ailleurs, entre autres, un micro-ondes : je n'aurais plus à faire la queue devant les fast-food et boulangeries hors de prix de la rue du L.. Mes trajets sont donc minutés et je teste aujourd'hui montre en main mon premier essai retour : quel temps à l'entrée du métro ? Quel temps à St Lazare ? Quel temps à Invalides ? Quel temps à Orsay ? Quel temps Austerlitz ? Quel temps Oberkampf ? Quel temps Gare de Lyon ? Mon but dans les couloirs de métro comme face à l'écran Ubuntu de mon ordinateur au bureau : rentabiliser au mieux mes déplacements, c'est à dire mon temps, c'est à dire de l'argent. Aujourd'hui : retour porte à porte une heure trente sept montre en main : peux mieux faire.