Tahiti : Mes premiers pas à Papeete

Publié le 08 décembre 2009 par Leparikiwi


Cela fait presque trois semaines que je suis arrivé en Polynésie, mais mon temps libre est rare. Voici enfin le compte-rendu de mes pérégrinations tahitiennes, entre carte postale et instants de vie…

Souvent présentée comme une destination de rêve, voire comme le « paradis », Tahiti est une île que l’on connaît peu, et mal. En cherchant bien, il est possible d’y dénicher des décors paradisiaques, mais s’en tenir à ce seul cliché serait trompeur – d’autant plus que les lagons azurs et les plages de sable blanc ne sont pas vraiment la spécialité de Tahiti, et davantage celle d’îles comme Bora-Bora ou Moorea. Si l’aéroport international de Polynésie française se trouve sur Tahiti, ce n’est souvent pas le terminus des lunes de miel ou des croisières qui s’amusent : pour les décors de rêve, mieux vaut prévoir une correspondance en avion ou un voyage en ferry, pour partir vers d’autres îles. Dans mon cas, comme je vous l’expliquais dans un précédent article, je suis ici pour un stage de journalisme. Pas moyen donc de passer mes journées à siroter des cocktails dans une piscine, l’heure est plutôt à la découverte de mon nouveau cadre de vie et de travail : Papeete.


View Larger Map

Celle que l’on prononce « Papéété » est la principale ville de Polynésie française. Située sur la côte nord-ouest de Tahiti, elle concentre dans son agglomération plus de 130 000 habitants, soit la moitié de la population totale de ce Pays d’outre-mer. Elle n’est pas du tout représentative de l’ensemble de la Polynésie : très marquée par le mode de vie de la métropole, c’est « la grande ville », celle que l’on rejoint quand on cherche du travail et quand on veut changer de la vie plus simple et traditionnelle de son île natale. Pour le touriste, Papeete est un point d’entrée en douceur dans la Polynésie française, où l’on peut retrouver des repères rassurants : grande communauté « popa’a » (métropolitaine), restaurants McDonalds, supermarchés Champion et Carrefour, boulangeries vendant baguettes et autres réjouissances, brasseries « à la parisienne », centres commerciaux, signalétique routière métropolitaine, police nationale, etc.

Le MacDo sauce tahitienne

Il n’empêche que, même à Papeete, le choc culturel est au rendez-vous. Quand ils ne parlent pas français en roulant les « r », les Polynésiens de souche (80% de la population du Pays) échangent généralement en tahitien, une langue qui a le même statut officiel que le français. Parler tahitien fait partie de l’identité locale, jusqu’au sommet de la hiérarchie politique : de toutes les interviews de maires, de représentants de l’Assemblée, de ministres et du Président auxquelles j’ai pris part jusque là, je ne me souviens d’aucune qui n’ait comporté quelques questions et réponses en tahitien ! Il existe également une grande communauté chinoise, dont la présence remonte au XIXe siècle. Cette communauté est très bien intégrée et est particulièrement visible dans le secteur du commerce. Il convient toutefois de signaler le léger racisme dont sont parfois victimes les Chinois, de même que les popa’as, que certains Polynésiens accuseraient d’être « trop » travailleurs par rapport aux critères locaux.

A l'extérieur du temple chinois de Mamao

Toujours au rayon choc culturel, le rythme de vie est bien plus lent qu’en métropole ou même qu’en Nouvelle-Zélande. Pour le meilleur et pour le pire. L’une des principales raisons en est sûrement le climat, chaud et lourd, qui n’encourage pas aux efforts brutaux. Avec un soleil qui se lève à 5h45, les journées commencent très tôt : les écoliers entrent en classe à 7h30, heure à laquelle même les banques ouvrent leurs portes ! Mieux vaut donc éviter ces heures de pointe pour se déplacer, surtout à Papeete où les bouchons sont tellement longs que certains y voient une raison des difficultés économiques du Pays. A l’opposé, les embouteillages reprennent vers 15h30, et rares sont les courageux qui travaillent encore à 17h.

Sur les vitres d'une agence bancaire

En Polynésie, les rapports entre les gens sont chaleureux, et on a parfois l’impression que tout le monde se connaît. Il y a tout le temps du monde dehors, sur le moindre banc ou muret, à jouer de la musique, à discuter entre amis ou à regarder les passants passer. Au bord des routes, des mamas, une fleur de tiare dans les cheveux, restent assises toute la journée dans leur jardin ou devant chez elles, à surveiller leur étal garni de pastèques, de mangues ou d’avocats, en attendant le client. Pratique très agréable, le tutoiement est la règle, hormis avec les personnes âgées et les personnalités importantes m’a-t-on dit. Les normes vestimentaires sont tout aussi détendues : personnellement, je me rends au travail – et donc parfois dans des institutions comme la Présidence – en tongs, shorts et t-shirt ! La vie est belle aussi pour le piéton tahitien, car les voitures le laissent systématiquement traverser au passage clouté, plutôt que de donner un coup d’accélérateur comme trop souvent en Nouvelle-Zélande.

Les guitaristes du front de mer

Bien évidemment, il y a quelques contreparties à ce rythme de vie. La principale : une organisation et une rigueur toutes relatives. Le lendemain de mon arrivée à Papeete, en me promenant dans les rues avec un petit plan fraîchement glané, je me suis rendu compte que la plupart des noms de rues ne figurait que sur mon plan ! Il s’avère que les Papeetiens n’ont pas de boîtes aux lettres mais des boîtes postales, et que quand il s’agit d’expliquer à quelqu’un où l’on habite, c’est à coups de « près du Champion » et de « en face de la station service »… Autre illustration du mic-mac tahitien : les transports en commun. Le réseau à Tahiti est partagé par trois entreprises différentes, ayant chacune leur zone de couverture propre. Il n’existe ni plan du réseau ni grille des horaires, ce qui complique sacrément la tâche du nouveau venu. Les arrêts de bus et de trucks sont signalés par un simple panneau bleu, et ça s’arrête là : aucune indication sur la destination, sur le chemin emprunté et sur les horaires de passage des bus. Au moins, cela a l’avantage d’inciter à la conversation avec ses voisins…

Parfois, en effet, mieux vaut éviter le bus

Autre désagrément de la vie à Papeete : les prix ! Du fait de son isolement, la Polynésie française est la collectivité d’outre-mer où la vie est la plus chère. Cela vaut bien sûr pour l’alimentation et l’ensemble des produits importés, mais c’est particulièrement impressionnant au niveau de l’immobilier, face auquel même les prix parisiens ne font pas le poids. Dans mes recherches à mon arrivée à Tahiti, j’ai ainsi pu me rendre compte que la grande majorité des offres de location pour des studios/F1 était comprise entre 80 000 et 90 000 francs Pacifique, soit entre 670 et 750 euros. Pour faire face à cette vie chère, des employeurs métropolitains comme la Marine nationale sont obligés de doubler le solde de leurs troupes par rapport aux grilles de salaires de l’Hexagone, ce qui révèle bien le fossé entre les deux mondes.

Par pudeur, le prix ne figure pas sur cette photo

Pour conclure cet article, je tiens à signaler que cet article ne témoigne que d’une petite partie de la réalité de la Polynésie française : une partie de la réalité de Papeete, principale ville de Tahiti. A côté de cela, la Polynésie, c’est 114 autres îles réparties sur un territoire grand comme l’Europe, et au moins autant de modes de vie différents. Comme me le disait une amie, “on peut très bien avoir vécu pendant des dizaines d’années à Tahiti et ne rien connaître de la vie dans les autres îles”…

Et encore une fois, un immense merci à mes cousins pour leur formidable accueil !