L’autre soir, après avoir fanatiquement regardé le dernier épisode de la série “Vampire Diaries”, je commençai à me poser la question de la raison d’un tel engouement. Personnages adolescents, amourettes, quelques niaiseries souvent, des physiques irréels dignes de statues grecques, oui tous les éléments sont réunis… pour attirer une jeune fille à peine pubère. Et pourtant, les adultes aussi s’y laissent prendre. Les vampires auraient-ils vraiment un pouvoir de persuasion hors-norme?
Il y eut d’abord Dracula, ce vampire roumain grandiloquent, héros du roman de Bram Stoker publié à la fin du 19ème siècle et adapté des centaines de fois au cinéma. Derrière sa longue cape noire, son aura mystérieuse de “mort-vivant” n’aura de cesse d’envoûter les prudes jeunes filles attirées par l’incarnation personnifiée du raffinement, du charme et de la sensualité. Aujourd’hui, la cape a laissé place au sexy manteau de cuir et au sempiternel regard de braise. Le vampire se veut peut-être tout simplement plus “in”, moins branché tradition “ail, croix en bois et eau bénite”. Anne Rice, avec ses “Chroniques des vampires” - dont le très connu “Entretien avec un vampire” - a ouvert le bal pendant la deuxième moitié du vingtième siècle. Le succès important de l’adaptation cinématographique, sortie en 1994, a pour résultat de réveiller l’enthousiasme des gens vis à vis des suceurs de sang. S’en suivent Underworld, Van Helsing ou encore Blade. Les vampires sont séduisants, sensibles parfois, torrides souvent. Ils nous confrontent à nos sentiments contradictoires évidents que sont le désir et la peur.
Souvenons-nous aussi d’Angel et de Spike dans feu-la série “Buffy contre les vampires”, grand succès de la fin des années 1990 et qui sera suivie d’un spin-off, “Angel”. Dans ces univers, le monde vampirique est revu à la sauce adolescente, avec les problèmes habituels des lycéens - famille, copains, frère, amis - mélangés aux multiples soucis de monstres et de prophéties apocalyptiques. À noter que le film, trop plat, n’avait fait fait qu’un flop et que seule la série, où l’identification était aisée, a su s’assurer une belle réussite. Réussite encore assez marginale jusqu’en 2007, année du début d’un réel intérêt vampirique avec l’apparition dans nos petites boîtes de “Moonlight” - qui n’aura duré qu’une saison - et de “Blood Ties”, au succès mitigé. Le vrai décollage viendra avec “True Blood”, résolument plus adulte, avec la très douée Anna Paquin, qu’on avait vue gamine dans “La leçon de piano”. Dans “True Blood”, la différence, c’est qu’on est dans la vraie vie de l’Amérique profonde. Bon Temps, c’est un peu la petite ville moyenne de Louisiane où des habitants moyens mènent une vie moyenne… au milieu des vampires, connus de tous. La populasse se retrouve au bar du coin, les gens sont parfois rustres, pas tous très intelligents ou très érudits, possèdent souvent des valeurs morales plus que limites… Les vampires, devenus (presque) gentils, s’abreuvent de True Blood, sang de synthèse sensée étancher leur soif. Se pose ici une réelle expertise des réactions populaires face aux questions de l’intégration “d’étrangers” dont ils ont peur. Plus mâture donc, “True Blood” se démarque totalement des autres produits du marché mais connaît une notoriété non-moins enviable auprès du public, avec une troisième saison à venir.
Mais les séries, livres et films de vampires à la mode, c’est généralement plutôt ceux à la sauce “Twilight”. On retrouve là un tout petit peu du style “Buffy” (par le “tout petit peu”, comprenez “l’atmosphère lycéenne”). “Twilight”, c’est l’adaptation d’un roman en 4 tomes de Stephenie Meyer, au succès phénoménal. Amour, déception, questionnement personnel, amitié, famille, toutes les bonnes ficelles d’identification sont tirées autour d’une histoire relativement dramatique et romantique de vampire amoureux d’une humaine. Un topic dont on ne se débarrasse finalement jamais… Buffy et Angel, Bella et Edward, Sookie et Bill, etc.
Dernier bébé en date, “The Vampire Diaires”, dont je parlais en tout début d’article, connaît un fort démarrage aux États-Unis. Adaptée des livres “Journal d’un vampire” de Lisa Jane Smith, quasiment inconnus au bataillon jusqu’à présent (les ventes explosent ces dernières semaines), cette série ressemble à s’y méprendre à un remake de “Twilight” - dont les livres ne sont sortis qu’après… qui a pompé sur qui…? - à quelques nuances près dont celle, notable, qu’Elena, l’héroïne humaine, se retrouve hésitante entre deux frères vampirisés, Damon le diabolique et Stefan le repenti. La simplicité de l’analyse des sentiments - les gentils vs les méchants - pousseraient à croire qu’un adulte normalement constitué se lasserait en deux minutes d’une telle histoire. Et pourtant - et là je m’adresse à un public féminin surtout - on se laisse facilement emporter dans le monde d’Elena (la voix off qui traduit ses pensées aidant beaucoup) qui n’est pourtant qu’une lycéenne encore naïve, mais cette lycéenne qu’on a toutes rêvé d’être : jolie, intelligente, cultivée, attirante, mâture. Revit-on par procuration nos années de lycée qui nous ont semblé moroses? Est-ce juste l’action du sex-appeal des acteurs, dont les corps taillés en V sont savamment mis en valeur? Quoiqu’il en soit, le charme opère : 2,6 millions d’exemplaires de “Twilight” (tous tomes confondus) écoulés en France, quasiment 5 millions de téléspectateurs pour le Season Premiere de “The Vampire Diaries” aux États-Unis, plus de 3 millions de spectateurs français pour le deuxième opus de “Twilight”, la vague du fantastique ne s’arrête plus. Le public veut rêver, se faire peur, “vivre” des histoires d’amour impossibles d’une passion extraordinaire.
Oui, le vampire est sexy, charmeur, envoûtant. De quoi faire chavirer le cœur de n’importe quelle jeune - ou moins jeune - femme. Moi, je n’ai qu’une hâte : pouvoir me refaire en janvier mon intra-veineuse du trio Stefan-Damon-Elena !
Plus d’informations :
Blog sur la série “Buffy contre les vampires”
Site officiel de la série “True Blood”
Site officiel de Stephenie Meyer
Page Wiki consacrée à “Twilight” (livres et films)
Crédit photos : FlickR/Taylor’s Wish — FlickR/Carniphage (miniature)