Magazine Humeur

Les rois de l'info conditionnelle

Publié le 07 décembre 2009 par Doespirito @Doespirito

Alors c'est très simple. Visualisez la première imbécillité qui vous passe par la tête. Faites un effort, c'est juste pour vous donner un exemple. Allez-y ! La dernière miss France a tourné un film porno. Bien, c'est une belle ânerie. Une autre ? Le sommet de Copenhague déplacé à Conakry. Ah ah, pas mal, vous me ferez mourir, Albert...  Ségolène Royal propose un accord de premier tour avec Dieudonné. Excellent, tout ça, excellent... Bon, ça y est ? Vous avez choisi votre idée idiote ? Alors écrivez-là. Voilà. Bon, maintenant, ajoutez un point d'interrogation à la fin. Et voilà, c'est bon : vous pouvez la publier sur le post.fr.


Entendons-nous bien, je ne suis pas là pour censurer ce joyeux bordel. D'ailleurs, il m'arrive de publier des papiers sur ce site, je vous en parlerai un de ces jours. J'ai bien compris le système : chacun peut proposer un texte rédigé par ses soins. Je voudrais juste signaler à ceux qui gèrent ça et à ceux qui s'y croient en publiant ces, comment dirais-je, ces clowneries, mettons le "l" pour rester poli, j'aimerais leur signaler que c'est assez souvent n'importe quoi. Et qu'ils devraient juste le préciser, par pure honnêteté intellectuelle. En ajoutant un picto genre "Connerie invérifiable" [CI], par exemple.


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Je blague ? Pas du tout ! Voilà ce que j'ai lu ce matin. Vous avez remarqué ? Le point d'interrogation ? Si, quand même, on ne voit que ça. Vous ne le voyez pas ? Il y en a partout, pourtant... C'est bien ça le problème, au bout d'un moment, on ne les voit plus. Donc, on a bien la première imbécillité qui est passée par la tête du contributeur au petit pied: "L'affaire qui pourrait faire exploser le CSA ?". Je ne dis pas que c'est impossible. Je dis que c'est imbécile d'écrire une chose pareille [CI]. Parce que de deux choses l'une : ou bien le rédacteur de ces lignes a l'info du siècle qui va faire effectivement exploser le CSA, ou bien —et c'est malheureusement le plus probable— il ne fait que se faire mousser en annonçant bien à l'avance un truc qui ne va pas tarder à ressembler davantage à un pétard mouillé qu'à un inédit d'Albert Londres.


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Avec le point d'interrogation, on peut dire n'importe quoi sans risquer d'être contredit ni attaqué. Je vous renvoie à un excellent réquisitoire de Desproges contre Alain Ayache, du temps du défunt Tribunal des Flagrants délires. Par exemple : Ségolène Royal a-t-elle accepté de participer à Incroyable Talent ? Obama a-t-il demandé le portable de Carla ? Paris Hilton a-t-elle flashé sur Jean-Pierre Treiber ? Vous voyez que les possibilités sont infinies. Mais ce qui est fabuleux avec ce système de faux-cul, c'est que ça marche même pour démentir ou pour inventer une suite.


Voyez par exemple ce titre d'un article sur la chronique de Stéphane Guillon consacré à Eric Besson. Excellente, réjouissante, au demeurant. Il se paie le Savanarole de l'identité nationale en évoquant sa liaison avec une jeune tunisienne (info révélée sans point d'interrogation par Voici). Comme d'habitude, sentant le fumet du scandale à deux balles, le rédacteur-contributeur du Post ne se fait pas prier pour mettre son point d'interrogation réglementaire. Seulement voilà, quelques jours plus tard, le bide. Besson n'a toujours pas réagi publiquement. Alors, il en remet une couche (ça ne se voit pas trop avec toutes celles qui sont accumulées...) : «C'est sa compagne qui pourrait porter plainte». Notez le conditionnel... C'est beau, le journalisme au  conditionnel. Et puis comme la sauce ne prend toujours pas, voilà notre justicier du Plessis-Trévise qui se fend d'une chronique : L'étrange complot contre Stéphane Guillon ? Le commis aux écritures approximatives commence d'ailleurs sa bafouille avec «On s'impatiente. Nous sommes dimanche et toujours rien». C'est trop con, ça, si en plus, il ne se passe rien, comment voulez-vous qu'on continue à inventer des conneries invérifiables [CI] ? C'est déjà assez fatigant comme ça.

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Je ne résiste pas au plaisir de vous citer la prose du posteur pesteur vexé : «Très fâché, Besson aurait menacé de porter plainte [CI]. Il aurait même «discuté» (de quoi? Comment? De qui? Dans quel but?) avec le patron d'Inter, Philippe Val, sans que cela change grand chose». (sic) Devant un vide aussi sidéral, notre ami aurait dû, lui, fermer son clapet. Avec un point d'exclamation ! Mais non, il insiste. C'est beau, la quête obstinée de l'information : «En gros, est-ce que Guillon ne serait pas la cible d'un complot (objectif?) et regroupant tout un tas de gens à qui il fait de l'ombre?[CI]»
A mon avis, à l'heure qu'il est, devant un tel déferlement de points d'interrogation, le pouvoir doit serrer les fesses. il doit y avoir une réunion de crise au PC Jupiter de l'Elysée pour savoir comme gérer cette cascade de révélations ébouriffantes sans risquer un conflit avec l'Iran et la Suisse..

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En dehors du point d'interrogation, nos postiers s'y entendent aussi pour employer les mots qui sont sensés créer du buzz. Comme "dérapage". Ça, ça leur plait. Besson dérape. Ségolène dérape. Berger dérape... Ce n'est plus une arène politique, c'est Holiday on Ice. Et quand une célébrité en attaque une autre, elle tacle. Le dernier en date, c'est Guillon (encore lui) qui tacle DSK. Lequel venait de tacler Sarkozy (soit-disant, parce que ça fait encore tuyau crevé, cette affaire). Domenech doit apprécier cette phraséologie footballistique. Bon, mais comme les mots s'épuisent, et que le plâtre commence à manquer, on essaie d'autres poncifs : le dernier en date, c'est "clasher". Le CSA clashe Morandini. Je ne sais pas bien ce que ça veut dire, mais sûrement qu'il est censé le remettre à sa place. Quand ça tacle trop, ça dérape, et pour éviter que ça dérape, on clashe.

Comme pour les feux d'artifice, je termine par le bouquet final : le résumé de la journée par la rédaction du Post.

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Bon, là, c'est du sérieux, du vérifié, confirmé, validé pur jus. Enfin, je me comprends : pas une seule info qui ne dise tout et son contraire. La seule qui tient à peu près la route, c'est cette histoire sordide de viols dans une crèche. Manque de pot, c'est le pluriel du verbe qui a morflé. Ils ont la scoumoune, ma parole. A propos de la rémunération de Domenech, la dernière phrase est exquise : «il avait pourtant démenti la (presque) même info il y a peu». C'est ça qui est terrible, dans cette histoire. Avec de tels experts au clavier, même les pénibles (Besson, Domenech...) finiraient par vous paraître sympathiques. Euh non, quand même pas...


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