Contrairement aux croyances traditionnelles, le recours à la technique et à l’agriculture intensive n’est pas le seul moyen de fournir à manger à tous les habitants de la planète, même dans les pays arides ! Pour rendre à l’agriculture sa dimension humaine et naturelle, l’agro-écologie portée par Pierre Rabhi et le CIRAD s’appuie sur une démarche scientifique rigoureuse.
Face au problème agricole actuel, Pierre Rabhi appelle à l’ « insurrection des consciences »
Dans un monde où 43% de l’humanité travaille la terre, de nombreuses questions se posent sur la juste utilisation des 40% de terre dans le monde dédiées à l’agriculture (dont 70% pour l’élevage).
Les besoins et les technologies ne sont pas les mêmes entre les pays du Nord et les pays du Sud, ce qui entraine de l’agriculture intensive pour les uns et une agriculture traditionnelle pour les autres.
L’agriculture intensive impose un impact fort sur les écosystèmes, la biodiversité, le climat et les sols deviennent problématiques. Et d’un autre côté, l’agriculture paysanne spécialisée telle qu’on la retrouve dans les pays du Sud ne suffit pas toujours à subvenir aux besoins de la population.
Parce-que l’agriculture dépend à présent autant du consumérisme excessif que d’une gestion raisonnée des espaces, Pierre Rabhi demande un changement radical de paradigme dans les mouvements agricoles mondiaux, qu’ils soient du Nord ou du Sud, pour favoriser la qualité des produits et la protection-régénération de l’environnement naturel.
Il nous entraine ainsi vers un monde alternatif à la croissance infinie, vers une « sobriété heureuse » chère à beaucoup de pays du Sud.
Du Sahara aux Cévennes, il a fait la promotion du concept d’agro-écologie et montre que l’agriculture raisonnée est possible partout. Seule la volonté et l’accès à l’information manquent.
Pierre Rabhi
Vidéo sur l’agro-écologie diffusée par Naturavox. –
Un manifeste pour une meilleure agriculture
Issue d’une démarche scientifique attentive aux phénomènes biologiques, l’agro-écologie associe le développement agricole à la protection-régénération de l’environnement naturel qui s’en trouve ainsi diversifiée et stabilisée.
Elle permet de passer de l’utilisation de la technique à la participation du plus grand nombre ; du quantitatif au qualitatif ; de la spéculation à une économie réelle fondée sur l’effort de tous ; d’une nourriture qui transite sans cesse, à une nourriture consommée sur le territoire où elle a été produite ; d’une agriculture intensive à une agriculture raisonnée.
Parmi les grands principes édictés par Pierre Rabhi, on retrouve :
- des avantages écologiques : fertilisation organique des sols, respect des temps de repos des terres, optimisation de l’usage de l’eau, respect et sauvegarde de la biodiversité, lutte contre la désertification et l’érosion…
- des avantages économiques : alternative peu coûteuse, économie du coût des intrants et du transport, relocalisation de l’économie par la valorisation des ressources locales…
- des avantages sociaux et sanitaires : production d’une alimentation de qualité, garante de bonne santé, en accord avec le climat et les mœurs locaux, autonomie alimentaire des individus et stabilisation des populations sur leurs terres, revalorisation de la place des paysans dans les sociétés, création et renforcement des liens sociaux….
Ce mode d’intervention global entre dans le cadre d’une mise en valeur des territoires dégradés ou non. Il requiert une formation et un suivi, une pédagogie adaptée aux acteurs de terrain.
Les « Oasis en tous lieux » pour combattre la pauvreté et favoriser le travail de la terre
Pierre Rabhi est aussi l’inventeur du concept de l’ « Oasis en tout lieu » qui proposent des alternatives de mode de vie pour qu’ils soient en meilleure autonomie avec l’environnement qui les entourent et avec du lien social plus fort.
Les grands principes :
- La reconquête de l’autonomie alimentaire : cultiver la terre, que ce soit un simple jardin ou des surfaces plus importantes, soigner, aimer et respecter cette terre, lui donner vie pour recevoir la vie est le premier principe sur lequel se fondent les « oasis en tous lieux »,
- La sobriété de vie comme valeur de bien-être,
- L’implication locale : les oasis sont surtout implantées en milieu rural mais entretiennent des échanges solidaires et complémentaires avec le monde urbain,
- Un habitat de faible coût faisant appel à des savoirs traditionnels et des matériaux naturels en harmonie avec le paysage, sans nuisances, valorisant des énergies gratuites et renouvelables, veillant à une gestion économe de l’eau, etc.,
- Un espace individuel pour chaque personne ou chaque famille lui assurant responsabilité et autonomie, et un espace collectif garantissant entraide, synergie, échanges et mise en commun de moyens,
- Le développement du lien social par des pratiques solidaires et conviviales, des échanges inter générationnels laissant notamment une place pour les aînés,
- La pluriactivité (à l’intérieur et comme à l’extérieur des oasis) qui permet l’autonomie économique,
- La possibilité donnée à chacun d’être à sa juste place et de se réaliser.
L’exemple de CARAPA :
L’Oasis CARAPA est un éco-hameau créé en 1995 dans une vallée classée en Réserve de biosphère Unesco, tout proche d’Alès dans le Gard. Elle s’étend sur 7 hectares mis gracieusement à disposition par le centre écologique de Vaugran et 3 hectares achetés collectivement (groupement foncier agricole). Une douzaine d’habitant(e)s y vivent et accueillent de nombreux visiteurs, stagiaires ou participants à des chantiers. Des éco-habitats circulaires ont été auto-construits essentiellement à base de bois, bottes de paille, chaume… L’électricité est produite par le soleil et l’eau ; un ruisseau et une source approvisionnent le hameau en eau. Des jardins-vergers en permaculture produisent une part de l’alimentation végétarienne et un projet de régénération de la châtaigneraie est en cours. La vie y est simple et frugale, intégrée à la nature et surtout à la forêt, et puise une partie de son inspiration des peuples racines qui ont su vivre de façon réellement durable durant des millénaires.
L’avis Sequovia
Parce-que l’agriculture doit redevenir plus humaine et moins polluante, ces initiatives sont une bouffée d’air frais dans une agriculture sous le joug de la demande croissante des pays du Nord.
De plus, de par ses conseils en accord avec l’agriculture paysanne pratiquée dans les pays du Sud, elle donne aussi de bons conseils pour développer une agriculture efficace et plus sûre pour les plus défavorisés. Et ça marche ! Au Burkina Faso, 100.000 paysans se sont déjà formés à cette méthode et accèdent à présent à une production plus diversifiée, plus sécurisée et plus naturelle.
Ce type d’agriculture va plus loin que l’agriculture biologique, et se place dans la lignée du mouvement décroissant pour proposer un mode de vie qui prône une simplicité volontaire et un nouveau regain pour le travail avec des techniques de culture naturelle et de nouveaux liens entre les personnes, au détriment de l’énergie et de la technologie coûteuses et créatrices de déchets.
Pour en savoir plus :
- Terre & Humanisme : http://www.mouvement-th.org/
- Passerelle Eco : http://www.passerelleco.info/article.php?id_article=484
- CIRAD : http://agroecologie.cirad.fr/