L’économie de fonctionnalité, un modèle pour le développement durable

Publié le 01 décembre 2009 par Sequovia

Reconsidérer les activités professionnelles qui s’y prêtent en tant que service (ou fonctionnalité) plutôt qu’en tant que bien de consommation, voila le défi lancé par l’économie de fonctionnalité, ce qui annonce une véritable révolution dans les modes de production et de consommation. Un tournant stratégique qui s’avère bénéfique pour l’environnement, pour les parties prenantes et pour l’économie !

L’économie de fonctionnalité, pour vendre un service plutôt qu’un bien

Révélant la réussite de l’économie de fonctionnalité, les démarches de Michelin et Xerox démontre la viabilité du modèle. L’expérience d’Interface, de part l’échec de son système locatif de mobilier révèle quelques-unes de ses limites.

Michelin : Vendre des kilomètres plutôt que des pneus

Michelin a repensé son activité par rapport à la fonction de ses pneumatiques : « faire des kilomètres ». Délaissant sa fonction première de vendeur de pneumatiques, il s’est alors repositionné en tant que responsable de la qualité des pneus des utilisateurs. Ainsi, l’éco-conception, le service client à domicile et l’entretien des pneumatiques permettent aux utilisateurs d’utiliser moins de carburant, de conserver leurs pneus 2,5 fois plus longtemps qu’avec des pneus classiques (du fait d’un meilleur roulement) et d’être plus satisfaits de la marque. En contrepartie, Michelin continue d’augmenter son chiffre d’affaires tout en produisant moins de pneumatiques ! Un véritable changement de paradigme qui s’avère vertueux pour tous.

Xerox : vendre des photocopies, et non des photocopieurs

Xerox se dirige à présent vers la location de matériel, réalisant du même coup une immense économie de matière. Tout d’abord, en maintenant son matériel au mieux durant son utilisation, elle augmente sa durée de vie. Ensuite, lorsque le matériel arrive en bout de course, Xerox le récupère et parvient à recycler une majorité de ces composants, à tel point que les éléments recyclés forme à 90% les nouvelles photocopieuses.
Comme pour Michelin, cette économie de matière n’est rendue possible que par l’aspect locatif qui entraîne une conception appropriée à la gestion intégrée des cycles de vie, de la réutilisation au recyclage des composants.

Interface : Les clients constituent une limite au système pourtant vertueux

Bien que le changement de paradigme soit vertueux, le client n’adhère pas toujours au concept. Les clients d’Interface n’ont, par exemple, pas trouvé leur intérêt dans la démarche locative de ce fabriquant de carré de moquettes. Trois raisons expliquent cet échec. Le premier est d’origine sociale, les entreprises et institutions ciblées préférant garder un certain contrôle de leur mobilier en restant propriétaire. Le deuxième est aussi spécifique aux moquettes, car les entreprises ont tendance à louer leurs bureaux, ce qui n’est pas compatible avec l’offre d’Interface. Le troisième est bien plus important, il est d’ordre financier : les organisations ont un budget séparé pour les achats, la maintenance et la gestion en fin de vie, ce qui peut faire obstacle au système locatif. L’obstacle comptable ne doit donc pas être négligé.

Remarque : Interface s’illustre déjà dans le développement durable grâce notamment à son concept de moquette baptisées Entropy présenté dans un précédent article sur le biomimétisme.

Ces trois exemples démontrent que l’économie de fonctionnalité est applicable à court terme. Pourtant, la stratégie locative peut devenir un échec si tous les scénarios ne sont pas envisagés et que des solutions ne sont pas trouvées de façon préventive. Imaginons, par exemple, que le produit loué soit dégradé volontairement par les clients afin de bénéficier plus rapidement d’un matériel neuf. Si aucune clause contractuelle n’envisage de parer à cette éventualité, offrir une location peut rapidement devenir un gouffre financier. La stratégie d’économie de fonctionnalité doit donc être repensée et adaptée pour chaque produit, mais elle doit surtout être manipulée avec habileté pour donner satisfaction.

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La fonctionnalité au service du développement durable

L’entreprise se réoriente vers l’ensemble de ses parties prenantes (stakeholders en anglais) : les salariés, les clients, l’environnement, la société civile et l’entreprise. Elle se libère aussi de ce fait de certaines contraintes de ses actionnaires (shareholders) qui, dans un contexte d’économie libérale, ont été placés au centre des priorités.

Pour les salariés

Lors de la mise en place d’un service de location, l’activité se dématérialise, et la place donnée aux ressources humaines se voit ainsi accrue. Le travail de l’homme remplace donc la machine de production physique. Les nouveaux postes d’investissement sont la R&D, le marketing, la communication, la logistique, services principalement à dimension humaine. L’ingéniosité, la créativité, le relationnel et la connaissance sont les atouts du personnel d’une entreprise dématérialisée. Ce type d’organisation cherche à avoir un personnel formé à une activité de service, elle va donc promouvoir la formation. Les salariés vont, en favorisant la relation-client, développer des compétences en terme de communication et de polyvalence. Une activité ayant pour modèle l’économie de fonctionnalité est plus enrichissante pour les salariés.

Pour les clients

L’économie de service permet des prestations de meilleure qualité pour le client, par le suivi optimisé de la location. De plus, en louant un matériel avec un contrat de maintenance, l’entreprise cliente peut ne pas subir de coût imprévu : elle peut compter en cas de problème sur le service et les compétences de son fournisseur. Au final, le client peut réduire et maîtriser ses coûts, ce qui constitue un enjeu de compétitivité.

Pour l’environnement

Par définition, l’économie de fonctionnalité permet de réaliser d’énormes gains de matière et d’énergie. Elle recentre l’activité sur le travail, au détriment des biens de consommation. Etant propriétaire des biens qu’elle peut louer, la société vise aussi l’éco-conception de ses produits pour dépenser un minimum d’argent dans la maintenance, et gère aussi le retour de la matière dans sa fin de vie. Grâce à la location les entreprises productrices adoptent une nouvelle stratégie, les entreprises n’ont donc plus à augmenter leurs productions et leurs ventes pour augmenter leurs recettes.

Pour la société et l’Etat

L’économie de fonctionnalité repose sur la dématérialisation, fortement créatrice d’emploi car la robotisation et la délocalisation n’y sont pas souhaitable. Ainsi, une économie de ce type sera créatrice d’emplois.
De plus, avec une conception durable, un produit considéré comme obsolète pourra être revendu à des personnes moins fortunées pour un type d’utilisation plus modeste.

Pour l’entreprise et ses actionnaires

L’économie de fonctionnalité change le schéma organisationnel de l’entreprise qui l’applique, sa nouvelle approche est plus humaine et basée sur le management, la communication, la R&D et la logistique, des secteurs ou les progrès sont constants et palpables. Cette réorientation stratégique créée une dynamique plus éthique.
Les avantages sociaux et environnementaux ajoutés aux aspects innovants de l’économie de fonctionnalité sont sources de motivation pour les salariés qui se sentent investis dans une démarche valorisante.
D’autre part, l’économie de fonctionnalité peut, à long terme, face à l’augmentation rapide du prix des matières premières, s’avérer très profitable et devenir un avantage concurrentiel déterminant.
Dans une optique marketing, la relation avec le client produite par la location a comme avantage de développer un échange plus poussé et empathique qui le fidélise facilement.

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L’avis Sequovia

La dématérialisation, l’éco-mobilité, la location de matériel ou l’éco-conception sont autant de manières de concevoir une nouvelle économie, plus accès sur le service que sur les biens de consommation. Les avantages pour chaque partie prenante sont nombreux car l’économie de fonctionnalité impulse une dynamique vertueuse où l’évolution environnementale, sociale et économique va dans le sens du développement durable.

A partir de ce constat, beaucoup de secteurs d’activités peuvent repositionner leurs objectifs en analysant la fonction de leur entreprise, et en adaptant leur stratégie sur cette fonction uniquement, et non plus sur le produit.

L’enjeu majeur repose alors sur la capacité de l’économie de fonctionnalité à être appliquée et étendue à un maximum de secteurs d’activité.

Un grand merci à Alexis Berger, Responsable Environnement, Jungheinric, pour nous avoir permis de nous baser largement sur son travail très synthétique pour vous proposer un article sur ce sujet d’avenir.
Son travail est disponible sur le Hub Viadeo « Economie de fonctionnalité et développement durable ».