Le sommet de Copenhague à débuté aujourd’hui et cela jusqu’au 18 décembre. Ce sommet est d’une importance capitale et devra décider de l’avenir de notre planète en terme de réchauffement climatique, d’émission de CO², etc…
Pour en savoir plus, le CNRS a publié tout un dossier vraiment intéressant sur les enjeux d’un tel rassemblement de nations, qui espérons-le, arriveront à un accord unanime sur l’urgence de la situation environnementale.
Du 7 au 18 décembre, 192 pays se réunissent à Copenhague, sous l’égide des Nations unies, pour s’accorder sur de nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Ces derniers sont en effet considérés aujourd’hui par la majorité des experts comme les responsables du changement climatique en cours. Comment vont se comporter les grandes puissances ? Et les pays émergents ? Comment se sont déroulées les conférences mondiales précédentes ? Enfin, comment l’humanité peut-elle s’adapter aux premières conséquences du réchauffement auxquelles il semble difficile d’échapper ? Alors que le CNRS vient de placer parmi ses grandes priorités l’étude du changement climatique et de ses interactions avec les systèmes écologiques et sociaux, Le journal du CNRS décrypte les enjeux de ce sommet mondial.
La nécessaire adaptation au changement climatique
Quels que soient les efforts présents et futurs de nos sociétés pour réduire les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, la plupart des projections tablent à présent sur un réchauffement global d’au moins 2 à 3 °C pour la fin du XXIe siècle. « Le climat étant un système très lent, les mesures que l’on prend aujourd’hui pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ne limiteront pas le réchauffement de la planète avant plusieurs décennies, confirme Stéphane Hallegatte, en poste au Cired. D’ici là, le climat va forcément changer. »
Hausse du niveau des mers synonyme d’inondations plus fréquentes et plus graves dans les régions côtières et deltaïques1, îles submergées, raréfaction des ressources d’eau potable, fonte du permafrost dans les zones montagneuses et boréales et dégradation des infrastructures (bâtiments, routes, pipelines, etc.), cyclones tropicaux plus violents, désertification, extension des zones touchées par les maladies à vecteur (paludisme, dengue…) : l’inventaire des répercussions environnementales possibles liées au réchauffement fait froid dans le dos.
Sans parler des habitants obligés de migrer pour fuir leurs terres devenues hostiles, les écoréfugiés. Déjà, certains des 10 000 habitants de l’atoll de Tuvalu, dans l’océan Pacifique sud, prennent le départ vers la Nouvelle-Zélande, même si cet exode n’est pas dicté par la seule montée des eaux. Tout comme ceux du village inuit de Shismaref, aux confins de l’Alaska, qui repose sur un permafrost dont la fonte s’accélère continuellement. Combien seront-ils, en 2050, à devoir fuir leur environnement immédiat, et partir à la recherche de terres plus hospitalières ? L’Institut pour l’environnement et la sécurité humaine de l’université des Nations unies, établi à Bonn, les estime à 150 millions ; le rapport Stern sur les conséquences économiques du réchauffement planétaire, publié en 2006, avance 200 millions ; l’ONG Christian Aid annonce même 1 milliard…Des populations déracinées
Une immense incertitude a beau nimber ces projections, des déplacements majeurs de populations à l’échelle mondiale sont à prévoir. Or, à l’heure actuelle, « les réfugiés environnementaux forment un groupe aux contours flous non reconnu par le droit international. Seules des interventions d’urgence coordonnées généralement par l’Ocha (United Nations Office for the coordination of Humanitarian affairs) sont mises en place en cas de catastrophes. Ces sinistrés n’ont-ils pas pour autant droit à une assistance et une protection internationale ? N’existe-t-il pas des formes de persécutions environnementales ? », s’interroge Véronique Lassailly-Jacob, membre du laboratoire Migrations internationales, espaces et sociétés (Migrinter)2. La protection juridique de ces populations « reste, pour une large part, à construire, renchérit François Gemenne, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Outre la nécessaire et urgente réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, la mise en place de politiques d’adaptation dans les régions d’origine sera le seul moyen de limiter l’ampleur des flux migratoires d’origine climatique. »
Repenser la ville
De fait, aucun accord international d’envergure sur le changement climatique ne sera désormais possible « sans un volet significatif sur le soutien à l’adaptation des pays les plus pauvres et les plus vulnérables de la part des pays riches, responsables historiques du réchauffement, plaide à son tour Stéphane Hallegatte. Et cette aide doit englober des projets visant à s’adapter non seulement au changement climatique, mais aussi aux conditions présentes. Ainsi, le changement climatique ne justifie pas, à lui seul, l’amélioration des systèmes de drainage et d’assainissement dans les villes du Sud. Mais cette initiative, tout en résolvant les problèmes sanitaires que rencontrent actuellement ces métropoles, permettrait de limiter les conséquences futures du changement climatique ».
Mais quelles sont, tous pays confondus, les autres mesures d’adaptation à prendre d’urgence ? La montée du niveau des océans risquant d’augmenter massivement les menaces d’inondation dans les villes situées au bord de l’eau, des protections côtières (digues, systèmes de drainage, pompes) vont devoir être installées un peu partout sur la planète. « Il faudra voir au cas par cas comment et par qui ces dispositifs peuvent être financés (et lorsque cela sera impossible, programmer le retrait stratégique des zones trop difficiles ou trop chères à protéger), continue Stéphane Hallegatte. Mais le plus souvent, leur coût de fabrication est très inférieur à ce que coûteraient les inondations en l’absence de protection. À Copenhague, le coût d’un mètre de montée du niveau de la mer serait de plusieurs milliards d’euros par an en l’absence de protection, alors qu’il ne serait que de quelques centaines de millions d’euros de coût ponctuel en cas de construction de digues. »
Autre problème majeur : la gestion de l’eau potable. Inondation rimant avec salinisation (des nappes phréatiques), il importe de développer de nouvelles méthodes de désalinisation. Par ailleurs, en 2025, selon les scénarios climatiques les plus pessimistes, 5 milliards de personnes pourraient vivre dans des régions souffrant d’une pénurie d’eau, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, de quoi envisager de graves conflits autour du liquide vital. À plus long terme, le changement de climat pourrait conduire à une diminution de 25 à 40 % des ressources en eau sur la rive sud de la Méditerranée ou dans l’Ouest des États-Unis, deux zones déjà soumises à de fortes tensions hydriques.
D’où l’importance d’améliorer l’étanchéité des canalisations (en Afrique du Nord, 50 % des pertes d’eau proviennent de tuyaux qui fuient !), de s’intéresser au dimensionnement optimal des barrages-réservoirs pour mieux stocker les surplus hivernaux d’eau, d’accélérer la construction d’usines de dessalement (bien que le sel relargué dans la mer perturbe les écosystèmes), de faire des progrès en matière de recyclage (pour qu’une même quantité d’eau puisse servir à de multiples usages successifs, de la toilette au nettoyage des rues), un domaine où s’illustre Israël, de généraliser des systèmes d’irrigation économes en eau.
L’habitat serait aussi bien inspiré de faire sa mue, et vite. Mais attention ! « En France, par exemple, la réduction des émissions de gaz à effet de serre vise notamment les consommations de chauffage des logements, assure Stéphane Hallegatte. Est-ce réellement une bonne idée de modifier les bâtiments en ne pensant qu’à réduire la consommation de chauffage, alors que l’usage de la climatisation risque d’exploser dans 30 ans avec l’augmentation des températures ? Ne faut-il pas l’anticiper ? Investir dans une économie sans carbone qui serait vulnérable au changement climatique constituerait un non-sens. À l’inverse, il serait absurde que l’adaptation se fasse au prix d’une consommation d’énergie fossile qui mettrait à mal les objectifs d’atténuation, par exemple par le dessalement de l’eau de mer… »
Quant à l’urbanisme, sous nos latitudes, les experts préconisent d’habiller les rues de verdure pour les protéger des attaques d’un soleil qui se fera de plus en plus écrasant, de les orienter de préférence Est-Ouest, de recourir, pour la construction, à des matériaux réfléchissants de couleur claire, de multiplier les patios (des cours fermées qui, à la tombée de la nuit, se remplissent d’air frais du bas vers le haut, cet air frais restant en place toute la matinée tant que le rayonnement solaire ne l’a pas entièrement réchauffé).Une agriculture bouleversée
Comment atténuer, en Asie et en Amérique centrale et du Nord, les ravages des cyclones, vu que les pertes directes liées à ces évènements, aux États-Unis, pourraient augmenter de 50 % pour un réchauffement de 2 °C ? Deux solutions : soit construire des maisons plus résistantes aux vents extrêmes, soit opter pour des habitations légères et bon marché, donc faciles à reconstruire après l’évacuation de la zone touchée, comme cela se fait en Floride.
Concernant l’agriculture, la planète restera selon toute vraisemblance capable de nourrir sa population au cours du xxie siècle. Mais « le réchauffement devrait augmenter surtout les rendements dans certaines régions froides, comme la Sibérie, et amplifier la dépendance déjà forte du Sud aux marchés agricoles internationaux et aux productions du Nord », ajoute Stéphane Hallegatte. En France, tout indique qu’il faut s’attendre, en moyenne, à des hivers plus doux marqués par de fortes pluies, principalement dans le Nord, et à une augmentation des sécheresses estivales. « Une remontée des cultures est envisageable, un réchauffement de 1 °C équivalant à un déplacement vers le nord d’environ 180 kilomètres, commente Bernard Seguin, coordinateur de la mission Changement climatique et effet de serre à l’Inra. Le réchauffement pourrait ainsi permettre l’extension de cultures réservées traditionnellement au Sud (sorgho, tournesol…), pour lesquelles le Nord et l’Est deviendraient concurrentiels. Pour le Sud, il ne serait sans doute pas impossible, techniquement parlant, d’introduire dans l’Hexagone des cultures de pays chauds comme le coton, mais qui sont trop consommatrices d’eau, et pour quels marchés ? Les agrumes ne seraient pas à l’abri d’épisodes de gels d’hiver. »
La vigne ? Si cette dernière a manifesté une bonne capacité d’adaptation à la canicule de 2003, « la perspective de connaître régulièrement de telles conditions extrêmes laisse malgré tout planer un doute sur la possibilité de conserver les caractéristiques ancestrales du vignoble français puisqu’il n’est pas envisageable de délocaliser les AOC, liées au terroir. Cela paraît possible avec un réchauffement modéré, plus problématique dans une hypothèse de 4 à 5 °C », commente le même agronome.
Pour l’élevage, qui a beaucoup souffert de l’été 2003, la précaution prioritaire est de constituer des stocks fourragers en prévision d’épisodes estivaux aussi chauds et secs. Pour les forêts, enfin, la stimulation de la photosynthèse par l’accroissement du CO2 atmosphérique va favoriser leur croissance, dans un premier temps. En revanche, pour des valeurs de réchauffement plus élevées (de l’ordre de 2 à 3 °C), le mouvement s’inversera. L’incertitude des modèles complique la tâche des forestiers, dont les options ne produisent pas leurs effets avant 50 ou 100 ans.
L’adaptation, à l’échelle mondiale, doit se fonder sur le développement économique, car « des populations plus riches sont en général moins vulnérables, grâce à un meilleur habitat, une économie plus diversifiée, des services de santé plus efficaces et un niveau d’éducation plus élevé, conclut Stéphane Hallegatte. Mais le développement doit également tenir compte de la nécessité de l’adaptation, car il peut aussi augmenter la vulnérabilité. Ceci s’illustre parfaitement dans le cas asiatique où le développement s’accompagne d’une urbanisation sauvage dans des zones inondables ». De même, développement et réduction des émissions doivent aller de pair. « L’idée que les pays pauvres doivent d’abord se développer, puis réduire leurs émissions est dangereuse : ces pays vont-ils bâtir des villes, des systèmes énergétiques et des infrastructures de transport dépendant du pétrole et du véhicule individuel pour immédiatement réinvestir massivement afin de les transformer et les rendre plus propres ? Il faudrait au contraire affirmer le droit des pays en développement à se développer d’une façon qui soit aussi adaptée que possible au changement climatique », c’est-à-dire en émettant peu de carbone et en réduisant leur vulnérabilité aux risques naturels.
Philippe Testard-Vaillant
1. Une montée du niveau de la mer d’un mètre entraînerait l’inondation permanente de 15 à 18 % des zones basses du Bangladesh, le déplacement de plus de 10 millions de personnes et la perte de terres agricoles de grande qualité.
2.Unité CNRS / Université de Poitiers.
Plus d’infos sur le site du CNRS à cette adresse: http://www2.cnrs.fr/presse/journal/4602.htm