Certes, les appels à la recherche d’un consensus global sur les questions qui demandent les réponses les plus larges possibles à l’échelle de la planète ne manquent pas. Ainsi, Pascal Lamy, Directeur général de l’OMC, a exhorté les États membres à “l’union” pour conclure un accord multilatéral sur le commerce l’année prochaine alors que les négociations traînent depuis plusieurs “longs” semestres. Certes, Dominique Strauss-Kahn, Directeur général du FMI, soulignait récemment, lors d’une interview télévisée, qu’une volonté politique réelle existait de la part des États, qu’il s’agisse des États-Unis avec le Président Obama, de la Chine avec le Président Hu Jintao ou du Brésil avec le Président Lula, d’apporter des solutions basées sur un consensus large aux problèmes globaux qui sont les nôtres. Reste que la fenêtre d’opportunité est probablement très courte et que si les États ne parviennent pas à s’entendre aujourd’hui, à Genève ou à Copenhague, ils n’y parviendront vraisemblablement pas demain.
Le risque de voir le multilatéralisme s’affaiblir n’est pas mince. Plusieurs évolutions y contribuent et notamment une propension croissante des États à rechercher, par la voie bilatérale voire plurilatérale, l’issue à des problématiques restées sans solution depuis plusieurs années.
Quand le Japon et les États-Unis décident de renforcer leurs relations dans le domaine des énergies vertes, ils donnent un signe concret de leur volonté de lutte contre le réchauffement climatique mais mettent aussi en exergue aux yeux du monde une approche conceptuelle différente par rapport à d’autres pays. Pour les États-Unis, “money” et “business” sont, en effet, la clef de leur engagement sur ce dossier alors que ce dernier représente, pour les Européens notamment, un enjeu plus large, une priorité nouvelle dans l’échelle de leurs valeurs, etc.
Lorsque l’Inde et les États-Unis signent un accord sur le développement en commun de technologies de production d’énergie moins polluante, ils donnent un signe positif en prenant en compte une nouvelle rupture stratégique de la globalisation : la montée en puissance de partenariats industriels transfrontières, y compris avec l’Asie à l’origine du basculement du monde ; mais ils montrent aussi au monde combien la recherche de nouveaux relais de croissance – via la capture de gaz carboniques, les “smart grids” et autres domaines de l’économie verte – est probablement plus importante pour eux qu’un accord multilatéral sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Quand le Brésil et la France font front commun avant la Conférence sur le climat, ils donnent également un signe positif au monde : l’aptitude à rechercher des consensus plus larges, moins traditionnels, dans une logique contraire à l’opposition Nord-Sud. Mais, dans le même temps, la définition d’une prise de position commune à l’échelle européenne voire transatlantique risque d’être quelque peu délaissée ; l’émergence d’une Europe “puissance” ne passait-elle pas aussi par un front commun euro-brésilien par exemple ?
Enfin, quand 22 pays en développement (PED) renouvellent ces jours-ci avec succès leur accord commun signé en 2004 pour diminuer les droits de douane et promouvoir les échanges régionaux (dans le cadre du GSTP ou General System of Trade Preferences), ils donnent un dernier signe positif qui est la capacité des PED à s’organiser de façon plus autonome, plus découplée par rapport au “centre politico-économique” du monde et à renforcer les échanges Sud-Sud, nouvelle tendance forte du commerce international. Mais ils affaiblissent probablement un peu plus leur engagement envers un système commercial qui n’aura, au demeurant, pas réussi comme prévu à se consacrer au développement.
Demain risque alors d’être trop tard ! A l’aune de ces exemples, on en déduit que les États vont de plus en plus être séduits par les relations bilatérales tellement plus faciles à établir. Dans cette perspective, l’Union européenne va probablement devoir tourner la page…