Vous êtes déjà maman, vous avez déjà vécu l’expérience de l’accouchement, et vous êtes de nouveau enceinte ou hésitez à agrandir la famille par peur de ce qu’un autre accouchement pourrait vous faire vivre?
Je vais vous faire partager mon expérience, et, même si elle reste très personnelle, cela vous permettra de vous rendre compte à quel point d’une grossesse à l’autre, les choses peuvent changer radicalement lors de l’accouchement, car chaque grossesse est différente et chaque mise au monde également.
Pour ma choupinette, j’étais jeune, très jeune, j’avais 19 ans lorsqu’elle est née, et j’ai eu du mal à supporter la fin de grossesse, d’autant qu’à l’époque, je travaillais déjà pour subvenir à mes besoins et que mes horaires étaient peu adaptés à l’arrivée impromptue d’un bébé. De plus, n’étant pas véhiculée et vivant seule, j’étais un peu angoissée à l’idée d'avoir mes premières contractions en pleine nuitet ne pas pouvoir me rendre à la maternité ou ne pas sentir l’arrivée de titounette.
J’ai donc, en accord avec les médecins qui me suivaient, programmé l’accouchement, afin que tout se passe au mieux et que mon gynécologue accoucheur puisse être présent au cas où.
Grand bien m’en a pris.
Je suis arrivée à huit heures du matin à la maternité et on m’a tout de suite déshabillée, on m’a donné une charlotte et une blouse jetable et on m’a posé un monitoring (pour contrôler le rythme cardiaque de louloute) et une perfusion avec du Cyntocinon (c’est un produit qui accélère et démultiplie l’efficacité des contractions), puis on a percé la poche des eaux et une femme est venue me faire la péridurale.
Et j’ai attendu.
Quand j’ai été suffisamment dilatée, le gynécologue accoucheur m’a demandé de pousser, pousser encore et encore et le monitoring a sonné l’alarme.
Une alarme horriblement stressante, je ne ressentais plus rien en dessous de la ceinture, j’ai commencé à paniquer qu’il arrive quoi que ce soit à ma choupinette et surtout, je me suis sentie horriblement coupable d’avoir accepté de déclencher l’accouchement alors qu’il lui restait encore une semaine avant de naître au chaud et que si ça se trouve, si on avait attendu, il n’y aurait pas eu de problèmes…
"On va au bloc!"
C’est tombé comme un couperet, je m’en souviens encore, ils ont débloqué les roulettes, rabattu les draps sur moi et m’ont emmenée en quatrième vitesse au bloc opératoire.
Je craignais la césarienne, et je craignais pour mon bébé…
Puis une infirmière, sentant mon désarroi, m’a gentiment dit "Ne vous inquiétez pas, on va au bloc par pure sécurité, votre bébé a le cordon enroulé autour du cou, il est en train de s’étouffer."
Ah oui, vachement rassurant, merci !!
Arrivés au bloc, ils ont stabilisé la table, dégagé mon ventre et très fermement, le gynécologue m’a dit "Mademoiselle, c’est très simple, soit vous poussez très fort et on sort ce bébé très vite, soit on passe à la césarienne, on a trois minutes ! Je vais utiliser des forceps, on va le tirer par la tête, mais ne vous inquiétez pas, ça ne lui fera pas de mal, juste quelques bleus sur les côtés du crâne pendant quelques jours à cause des cuillers, et il aura le crâne un peu bombé, mais ça se remet très bien sans problèmes."
Alors j’ai hoché la tête, totalement désarmée, et j’ai poussé… poussé pour sauver ma titounette… poussé… et j’ai perdu connaissance.
Je ne sais pas combien de temps ça a duré. Je me souviens juste que j’ai perdu connaissance parce que j’avais manqué d’oxygène à pousser comme une malade, et qu’au réveil, lorsque j’ai repris mes esprits et que j’ai regardé l’infirmière, totalement désorientée et lui disant que j’étais tombée dans les pommes et lui demandant en panique des nouvelles de mon bébé, celle-ci m’a regardée d’un air très étonné car elle n’avait pas du tout remarqué mon évanouissement…
Rassurant…
Et on m’a dit « ça y est, c’est fini, vous pouvez vous reposer, vous avez une magnifique petite fille ! » et on me l’a présentée, emmitouflée dans un drap blanc, un peu rouge de sang, elle me regardait avec ses grands yeux noirs en faisant des bulles avec sa bouche… Et ce regard-là, c’est celui qu’on n’oublie jamais…
Et j’ai pleuré de soulagement…
Ils l’ont emmenée pour lui faire toute une batterie de tests pour être sûrs qu’elle n’avait aucune séquelle à cause du manque d’oxygène.
Puis ils sont revenus, me l’ont mise dans les bras et j’ai senti soudain sa chaleur et j’ai pleuré comme une enfant.
"Bravo, tout est parfait, il s’en est fallu de peu, mais vous avez été super ! On va vous monter dans votre chambre."
Quelques jours plus tard, on m’a appris que j’avais extrêmement bien fait de programmer l’accouchement parce que ma choupinette avait le cordon enroulé trois fois autour du cou, et que si j’avais attendu d’accoucher normalement, elle n’aurait pas survécu…
Ma fille a 13 ans aujourd’hui.
Quand j’ai ressenti les contractions décisives lors de ma seconde grossesse, deux ans après, je regardais tranquillement le Comte de Montecristo, avec Gérard Depardieu, allongée sur mon canapé.
A l’époque, j’habitais en banlieue parisienne.
J’ai tranquillement préparé ma valise, mes affaires, mon sac à main, puis j’ai traversé tout Parisen métro et je suis arrivée à la maternité.
On m’a regardée avec des yeux tout ronds parce que je n’avais pas pris de taxi et que je n’avais pas mal.
On m’a installée, j’étais plutôt sereine et j’avais hâte qu’il naisse enfin car il était lourd… lourd… Bon, c’était un mois trop tôt, mais de toutes manières, maintenant que le travail avait commencé, on ne pouvait plus rien faire et le bébé était déjà gros.
On m’a posé une péridurale qui n’a servi à rien car j’étais déjà trop dilatée et j’ai finalement tout senti de l’accouchement, mais je n’ai absolument pas eu mal.
C’est passé comme une lettre à la poste, il est né en une demie-heure.
Le rêve
Et j’ai pleuré de bonheur…
Quand j’ai préparé mes affaires pour partir à la maternité la troisième fois, il y a quatre ans, j’étais sereine et presque déçue de ne pas avoir fait le nécessaire pour accoucher à la maison. Mais beau-papa, qui est chef de service, me l’a fortement déconseillé.
Et vu comment s’est passé mon accouchement, j’aurais peut-être mieux fait de m’écouter. Mais beau-papa ne pouvait pas anticiper, je n’ai pas accouché dans l’hôpital où il travaille…
Je suis arrivée dans l’après-midi, avec des contractions tout à fait supportables même si elles étaient intenses.
Bébé arrivait aussi avec un mois d’avance, mais vu son poids et sa taille, il n’aurait pas été raisonnable de toutes manières que j’aille au terme de ma grossesse… (122 cm de tour de taille à 8 mois pour un seul bébé, qui dit mieux?!).
On a attendu que la dilatation se fasse, moi je n’étais pas pressée, j’aimais bien cette idée d’attendre que bébé arrive à son rythme et de se préparer à la naissance avec beaucoup de sérénité.
Oui mais. L’équipe était pressée.
On m’a fait croire que le travail fatiguait le bébé et qu’il fallait que les contractions ne durent pas trop longtemps et que l’expulsion se fasse rapidement pour qu’il ne soit pas traumatisé.
Moi, évidemment, je ne pensais qu’au bien-être de titounet et j’ai accepté. Accepté qu’on me pose une perfusion de Cyntocinon, accepté qu’on perce la poche des eaux.
Mais là, les contractions ont été vraiment très douloureuses et même si j’étais partie dans l’idée de ne pas faire de péridurale, je l’ai demandée.
J’ai souffert le martyr pendant une heure, le temps que l’anesthésiste vienne me la poser. Puis elle n’arrivait pas à piquer au bon endroit.
Elle m’a piquée dix fois. Et moi j’étais au bord de la table, avec des contractions horribles, le souffle court, à trembler et à pleurer et à la supplier de ne pas piquer encore.
Mais elle me certifiait que cette fois-ci était la bonne et elle retentait encore une fois. Raté. Et à la fin, elle a simplement dit qu’elle n’y arrivait pas et qu’elle allait chercher son chef de service.
Le chef de service est arrivé dix minutes après, dix minutes pendant lesquelles j’ai eu un peu de répit pour mon dos. Et il a gueulé tout son saoul parce que sa subalterne était incapable de placer une péridurale !
Puis on m’a allongée, au bout d’une heure de souffrances entre les contractions et les piqures entre les lombaires, et la sage-femme est entrée, m’a auscultée et m’a balancé "ça sert à rien la péridurale, vous allez accoucher dans quelques dizaines de minutes et elle n’aura pas le temps de faire effet !!".
Et j’ai hurlé de rage et de douleur.
"Poussez!!"
J’ai accouché sur le côté, l’accouchement a duré une demie-heure qui m’a paru interminable, et moi, je me sentais minable, seule, perdue, épuisée et j’ai cru que j’allais mourir, je me sentais partir…
Quand titounet est né, j’étais dans un autre monde. Je n’arrivais plus à savoir si je respirais encore, si j’étais encore en vie, s’il y avait une partie de mon corps qui ne me faisait pas mal…
Et ils l’ont posé sur moi, et ça m’a fait l’effet d’une claque, son corps chaud et humide contre le mien m’a ramenée à la réalité et j’ai à peine eu la force de resserrer mes bras autour de lui pour qu’il ne tombe pas.
Et j’ai pleuré de peur, de froid, de douleur, de l’incompréhension totale dans laquelle j’étais plongée, j’ai pleuré de vivre encore…
Et l’hémorragie a commencé. Ils avaient coupé le cordon ombilical de loulou trop tôt et du coup, il continuait à battre et moi, je me vidais de mon sang.
Alors j’ai eu droit à la révision utérine. Il fallait arrêter ça très vite. A vif. Parce que la péridurale ayant été posée trop tard pour qu’elle fasse effet pour l’accouchement, ils avaient simplement débranché l’appareil et j’avais juste un cathéter dans le dos qui ne servait à rien…
Elles s’y sont mises à trois. Une infirmière me tenait le bras droit et appuyait sur mon épaule pour que je ne bouge pas, une autre le bras gauche en m’appuyant sur l’autre épaule, et la sage-femme se chargeait du reste.
J’ai cru qu’elles allaient m’éviscérer à vif, j’étais seule avec elles car elles avaient fait sortir mon mari, et j’ai été prise à nouveau d’une frayeur totale d’y rester sans savoir pourquoi ni comment.
Et je passe sur la douleur, les hurlements et l’entrave qui m’était faite… on se serait cru à une autre époque, dans d’autres lieux, et j’avais l’impression de vivre un cauchemar.
Je ne vous étonnerai pas, je pense, si je vous dis que j’ai été traumatisée par cet accouchement. Quand elles en eurent fini avec moi, l’une d’entre elles s’est penchée vers moi et m’a dit à l’oreille "Je ne sais pas comment vous avez fait pour supporter ça… moi, je n’aurai pas pu…" , a rabattu les draps sur moi et m’a laissée là, les yeux remplis de larmes.
J’ai appris quelque temps plus tard que tout cela aurait pu être évité si ces charmantes personnes n’avaient pas été aussi pressées de fêter l’anniversaire d’un membre de l’équipe…
J’en ai été choquée, révulsée, révoltée, j’ai ressenti de la haine pour toutes ces femmes. Profondément. J’ai eu le sentiment d’avoir été trahie, humiliée, que mon accouchement m’avait été volé pour… l’anniversaire d’un illustre inconnu…
Je n’ai pas fait de transfert sur mon loulou parce que je suis une femme équilibrée, mais j’ai peur d’imaginer ce qu’une femme un peu fragile mentalement aurait pu infliger à son bébé suite à une telle atrocité d’accouchement.
Cette équipe a été simplement totalement irresponsable.
J’ai été sonnée pendant trois jours. Trois jours pendant lesquels la simple pensée de cet accouchement me terrorisait.
Puis le temps aidant, la présence de mon mari et la chaleur de mon bébé me réconfortant, j’ai réussi à passer à autre chose. Mais pendant longtemps j’ai vécu cet accouchement comme si j’avais été dépossédée de mon droit le plus intime d’accoucher sereinement au profit d’une petite sauterie de service.
Chaque grossesse est évidemment différente, l’important c’est d’en parler et surtout d’imposer vos convictions. C’est avant tout votre bébé et la manière dont on souhaite accoucher est strictement personnelle, et même si, effectivement, une fois qu’on voit son bébé, on oublie tout, ça n’en reste pas moins une dure étape à passer si vous n’êtes pas prise en charge correctement avec du personnel compétent et à votre écoute.
Ne vous laissez pas endormir et posez des questions, c’est important, ne vous laissez pas manipuler sans savoir pourquoi ni comment et veillez à ce qu’on ne coupe pas le cordon ombilical tant qu’il n’a pas cessé de battre…
Puis surtout, parlez avec d’autres mamans, partagez vos expériences, même si elles sont personnelles, elles peuvent nous aider à y voir plus clair dans cette étape absolument magique qui fait de vous une maman.
Et vous, votre projet d’accouchement, vous le voyez comment ?