Je vous imagine face à votre écran, les yeux fiévreux devant ces questions qui assaillent l’esprit et taraudent le corps : mais qu’est-ce qu’un “em” ? D’où vient-il ?
Eh bien voyez-vous, autant vous le dire carrément : un em est une unité typiquement typographique vouée à mesurer l’espace inter-lettres dans un mot. Là où le corps d’une typo est mesuré en points ou en picas, l’espacement horizontal entre deux lettres est mesuré lui en “em”… La particularité de l’em est d’être une mesure variable qui correspond au corps soi-même ! Si le corps est de 12 points, l’em est de 12 points, si le corps est de 60 points, l’em est de 60 points. L’espace correspondant à 1 em est donc proportionnel et toujours le même quel que soit le corps. Dans un texte courant à une taille courante, la valeur d’interlettrage est le plus souvent d’un quart de em (M/4) qui correspond en gros à la largeur de la lette “t”.
Mais pourquoi l’a-t-on appelée “em” cette mesure ?
Parce que la tradition l’a faite correspondre à l’espace vital de la capitale “M” pardi !
Et si au lieu de couper directement l’em en quatre, on s’était contenté de le diviser par deux ?
C’est ce qu’on a fait ! Et on a alors obtenu un… “en” (prononcer ène) comme de bien entendu ! L’en est précisément la moitié d’un em (à ne pas confondre avec la moitié d’un nem, le goût typographique n’excluant pas pour autant le bon sens gastronomique…)
Oui mais alors que diable viennent faire dans cette note les “moutons et les noix”, d’autant que la formulation n’est pas sans évoquer un fameux roman de Steinbeck ?
C’est de l’humour typographique ! Eh oui ! Lorsque dans les ateliers les directives étaient énoncées à l’oral, pour éviter les malentendus, l’em s’est métamorphosé en “mutton” et l’en est devenu “nuts”. Dingue, non ? En vérité je vous le dis : tant qu’il y aura des poètes typographes et des gens qui em le travail correctement fait, c’est que l’avenir n’est pas si sombre qu’on voudrait bien nous le laisser croire… :-)