La sortie récente d’une BD de Chabouté intitulée Construire un feu nous donne l’occasion de faire un nouveau point d’actualité :-) sur la relation texte/image et sur la manière dont l’articulation langage visuel / langage verbal peut tout aussi bien :
— soit enrichir le sens en stimulant l’imagination et l’esprit du lecteur/récepteur
— soit pervertir l’intentionnalité d’un texte en le figeant dans des représentations erronées.
Exemple :
“Construire un feu” de Jack London et Michel Galvin, L’ampoule 2002
Nouvelle traduction en français de l’œuvre originale, travail d’illustration — au sens originel du terme — de Michel Galvin mettant en lumière le récit sans le paraphraser, composition typographique de L’ampoule toute au service du texte, pages non foliotées intentionnellement…
“Construire un feu” de Chabouté d’après la nouvelle de Jack London, Vents d’ouest 2007
Récit transposé sous la forme “bande dessinée”, laissant transparaître (entre autres contre-sens) une sur-dramatisation et un pathos absents de l’œuvre originale…
D’un bout à l’autre, la lecture comparée des deux ouvrages est éloquente : les deux histoires racontées devraient apparaître comme des variations autour du même thème, s’abreuvant à la même source, revendiquant la même origine. Et cependant elles n’ont rien à voir. Car en vérité l’abîme du sens les sépare. Ce qui ne manque pas de nous rappeler l’intuition géniale de Kafka, non seulement lorsque K essaie de se rapprocher du Château, celui-ci semble toujours s’éloigner (comme si la figuration se voulant la plus basique, la plus proche, la plus littérale éloignait toujours plus du noyau du texte, de son ombilic de sens) mais encore lorsque le héros parvient enfin au pied du Château, ce qu’il prenait pour l’impressionnant Palais du Pouvoir s’avère n’être en réalité qu’un misérable assemblage disparate de bric et de broc.
Une métaphore du Réel (lacanien) en quelque sorte… et de la juste mesure (distance) avec laquelle il pourrait se laisser… lire. :-D