Cette bande dessinée de Michel Galvin est une véritable petite merveille. Construite sur la figure de la lemniscate (anneau — ou bande! — de Mœbius) chère à David Lynch, son économie narrative touche à la perfection : espace Johnfordien, plans Kubrickiens, simplicité-expressivité du dessin, l’histoire connecte immédiatement l’œil et l’esprit du lecteur : c’est donc cela que rêver? Et quel est donc le rapport entre rêver et voir? Routine de Michel Galvin est précisément l’illustration (au sens noble, lumineux du terme) de la lecture que Jacques Lacan fait du rêve de Tchouang Tseu (Quatre concepts fondamentaux 1964) : “Quelle est notre position dans le rêve, sinon en fin de compte d’être foncièrement celui qui ne voit pas?” (…) Un jour, le philosophe Zhuangzi s’endormit dans un jardin fleuri, et fit un rêve. Il rêva qu’il était un très beau papillon. Le papillon vola çà et là jusqu’à l’épuisement ; puis, il s’endormit à son tour. Le papillon fit un rêve aussi. Il rêva qu’il était Zhuangzi. À cet instant, Zhuangzi se réveilla. Il ne savait point s’il était, maintenant, le véritable Zhuangzi ou bien le Zhuangzi du rêve du papillon. Il ne savait pas non plus si c’était lui qui avait rêvé du papillon, ou le papillon qui avait rêvé de lui.
La question de l’identité est une réflexion propre au sujet. A-symétrie, donc en vérité, figurée par l’apparente symétrie narrative, car le papillon, lui, ne peut formuler la question… Pour Michel Galvin, le papillon devenu ours n’augure cependant pas d’une conquête accomplie de la “verticalité” de l’homme… “Histoire sans fin” à lire et à relire. Chapeau bas Monsieur Galvin, bravo l’artiste!