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De quoi la “banderole de la honte” est-elle le symptôme?

Publié le 01 avril 2008 par Cdsonline

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Quel(s) but(s) pouvaient bien poursuivre leur(s) auteur(s) samedi dernier au Stade de France en déployant cet immense calicot sur lequel on pouvait lire :”Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Ch’tis” ?

Pourquoi se sent-on à ce point interloqué par cette injurieuse provocation?

La banderole n’a pas fini de susciter indignations, réactions etŠ… résolutions. Si pour autant l’on considère dans la lignée Freudo-Lacanienne que le symptôme est ce qui vient troubler la surface des fausses apparences, le lieu d’irruption de “l’autre scène” refoulée, la trace d’une certaine vérité susceptible de se révéler sur un mode potentiellement dérangeantŠ, ladite banderole ne manque pas de poser la question : de quelle “vérité” pourrait-elle être la manifestation?

La référence au film et à son extraordinaire succès est explicite ; les Ch’tis ont séduit une très large majorité de spectateurs, et présenter les “gentils gens du Nord” de la façon la plus dégradante possible en utilisant les éléments d’actualité qui garantissent la vraisemblance de l’allégation est un véritable tour rhétorique qui garantit l’efficacité de l’attaque : références implicites à Outreau, Fourniret etc. (sans compter Dutroux pas si loinŠ)
Mais quel est donc le but de l’outrage?
“Couper les jambes” des joueurs de Lens? Déstabiliser les supporters nordistes (présentés depuis des années comme “le meilleur public de France”)? Susciter l’indignation? Il semblerait en tout cas que ces trois objectifs aient été plus ou moins atteints, avec en prime celui de faire apparaître les supporters de l’équipe parisienne comme les plus détestables parmi les détestables, et l’équipe du Paris Saint-Germain comme méritant bien les sanctions qui lui pendent aux cramponsŠ…
Mais si cette provocation suscite tant d’émotion, n’est-ce pas aussi le signe qu’il y a peut-être dans cet excès-même un indéniable moment de vérité qui pointe? Oui mais quelle vérité?

Outre l’abusive généralisation propre aux clichés de ce genre (les Ch’tis, les Arabes, les Bretons, les Auvergnats, les Juifs, les Belges, les CorsesŠ…) cette outrance aux accents soigneusement “vraisemblables” ne fait-elle pas écho sous la forme d’un contrepoint obscène aux discours dominants, massivement propagés par les médias, dont les maîtres-mots prêchés à longueur de temps sont “respect de la différence“, tolérance, multiculturalisme sans que ces mots ne soient autre chose que des mots creux, vides de toute substance éthique, servant surtout à “donner le change” et se donner bonne conscience à peu de frais, car ils ne correspondent à aucun vécu authentique de la part de ceux qui les énoncent, les véhiculent et les répètent ? Comment s’étonner que le mensonge idéologique qui sous-tend notre perception de la réalité se trouve alors menacé par les symptômes du genre de cette banderole “haineuse”, comme un “retour du refoulé”, mettant en scène l’envers inavouable du “politiquement correct” dont les dirigeants en place usent et abusent pour faire leur business comme leur arithmétique électoraliste? Car “aimer l’autre” ce n’est pas aussi facile que de le proclamer, cela ne va pas de soi, c’est un véritable projet existentialo-politique, exigeant d’abord envers soi-même, tout entier contenu dans le mot grec : “agapé“Š

Agapé? Pfuiiiiiiiiii, la balle est passée trop haut au dessus des cages !?! Et si dans la surface de réparation se tenait l’aphorisme nietzschéen “Nul ne ment autant qu’un homme indigné“? Le marché des médias n’est-il pas un autre nom pour ce grand marché de l’indignation? Le moyen postmoderne le plus économique et en même temps le plus ridicule et le plus pathétique pour se protéger de la vérité? Car pour boucler la boucle en renouant le dialogue avec le plus grand, le plus fin et le plus inspiré des penseurs : “Ne faut-il pas commencer par se haïr, lorsque l’on doit s’aimer?


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