La parallaxe, sujet graphique par excellence…

Publié le 22 avril 2008 par Cdsonline

Jeudi dernier chez ma libraire, mes yeux s’arrêtent sur cette couverture qui aussitôt provoque en moi trois réactions quasi-simultanées :
1/ Quoi un nouveau livre de Žižek que je n’ai pas (encore) et dont je n’ai jamais entendu parler?
2/ Tiens, malgré quelques erreurs manifestes, il y a de l’intelligence visuelle dans la sobriété de cette mise en page…
3/ Ah oui, la pertinence de la composition des prénom et nom de l’auteur permet de substituer les accents circonflexes inversés sur les “z” de Žižek par le “v” et le “j” de Slavoj, réalisant par-là une économie graphique réjouissante.
Le nombre de couvertures exprimant un véritable concept graphique est suffisamment rare pour être remarqué, le graphisme contemporain oubliant trop souvent d’être l’art de dire le maximum de choses avec le minimum de signes
Mais voilà que je ne peux pas m’empêcher de faire mon Peter Gabor :-D et d’imaginer comme il aurait été bon que le graphiste en charge de cette couverture puisse aller jusqu’au bout de son idée en utilisant par exemple une police de caractères plus sèche, plus contemporaine et donc plus pertinente (cf. ci-dessous) pour “signifier” également le style spécifique du philosophe slovène, sans compter un travail subtil autour des deux “l” du mot parallaxe, pour dire visuellement ce qu’elle est ; il aurait alors rempli l’autre mission essentielle d’un art graphique maîtrisé : rassembler la forme et le contenu


N’en demandons pas trop toutefois, l’honneur du graphisme est de se mettre au service de la pensée, et la pensée contenue dans ce livre subsume bien sûr toutes les pinailleuses considérations esthétiques. Je ne résiste d’ailleurs pas à vous en livrer quelques lignes de l’introduction en guise d’avant-goût :
Si l’on demandait à un intellectuel moyen d’aujourd’hui de nous dire en résumé de quoi parle la théorie des rêves de Freud, il répondrait probablement : pour Freud, un rêve est la réalisation fantasmatique de quelque désir inconscient et censuré du rêveur, qui est en principe de nature sexuelle. Maintenant tournons-nous, avec cette définition en tête, vers le tout début de L’interprétation des rêves, où Freud donne une interprétation détaillée de son rêve au sujet de “l’injection faite à Irma” — il est raisonnable de supposer que Freud savait ce qu’il faisait et a choisi soigneusement un exemple approprié pour introduire sa théorie des rêves.

Et pourtant c’est ici que nous rencontrons la première surprise de taille : l’interprétation de ce rêve par Freud ne peut pas ne pas nous rappeler une vieille blague soviétique sur Radio Erevan : “Est-ce que Rabinovitch a gagné une nouvelle voiture à la Loterie Nationale? - En principe oui, il a gagné. seulement ce n’était pas une voiture mais une bicyclette, et pas une nouvelle mais une vieille, et il ne l’a pas gagnée, on la lui a volée…” Est-ce que le rêve est la réalisation du désir sexuel inconscient du rêveur? En principe, oui. Seulement le désir, dans le rêve que Freud a choisi pour démontrer sa théorie des rêves, n’est ni sexuel ni inconscient, et, par-dessus le marché, ce n’est même pas le sien…

Réjouissant, incisif… philographique, quoi ! :-)