L'ivresse de la beauté : cosmétique et vin

Publié le 31 octobre 2007 par Alex Cosmeo

Des produits de luxe vendus en supermarché ? Vous n'y pensez pas ! Et pourtant si, ces produits existent, ce sont les vins et spiritueux. Comme tout produit de luxe, ils véhiculent leur part de rêve, de sophistication, un art de vivre élégant et aspirationnel. Mais leur environnement de vente n'est pas toujours à la hauteur de cette exigence. En cela, on retrouve un premier point commun avec les parfums et cosmétiques qui doivent réussir à paraître exceptionnels même dans des linéaires qui peinent à faire rêver...
L'excellent blog So Wine constate que cosmétique et vin s'inspirent mutuellement dans la création produit, et que les exemples de ces échanges abondent. L'auteur du blog semble penser que c'est plutôt la cosmétique qui se nourrit de vin, j'avoue qu'il me semble que c'est plutôt un phénomène récent tandis que le marketing du vin a très bien su se nourrir, et depuis longtemps, des approches marketing de la cosmétiques pour moderniser ses atours... Mais sans entrer dans le débat de l'oeuf et de la poule, le panorama des initiatives cosmétiques inspirées du vin est en tout cas révélateur d'une tendance forte en cosmétique, particulièrement ces derniers temps.
Quand le vin inspire une marque...
Parmi les pionniers, bien sûr, Caudalie, et son concept initial reposant sur les polyphenols anti-oxydants issus des pépins de raisin. Un ingrédient qui n'est pourtant pas une exclusivité, mais que la marque a intelligemment exploité puis enrichi autour de l'univers du vin. Une très belle réussite du circuit pharmacie, qui pourrait même faire de l'ombre à certaines marques sélectives. La France n'a pas le monopole du vin, et les vins du nouveaux mondes peuvent aussi s'inspirer du modèle Caudalie : les soins Daviskin sont ainsi nés des vignobles californiens de la famille Mondavi.
Le soin n'est pas le seul segment concerné. La marque de cognac Courvoisier, très célèbre aux Etats-Unis, a ainsi lancé l'Edition Impériale, un parfum développé sous licence par Kraft International Marketing. Un lancement à première vue anecdotique, mais pas plus que les parfums Bugatti ou Jaguar, qui surfe sur des notions similaires : un art de vivre haut de gamme, très masculin, entre tradition et modernité.
Kilian Hennessy, qui appartient à la famille des cognacs Hennessy mais a essentiellement fait ses armes dans l'univers du parfum, ne s'y est pas trompé : si l'univers de sa toute jeune marque By Kilian évoque davantage la littérature du XVIIIe siècle, ses flacons ressourçables se remplissent à des fontaines qui évoquent immanquablement les fûts de cognac, ses fragrances jouent avec les notes d'absinthe et de rhum, clin d'oeil à ses origines.
Quand le vin inspire une gamme...
Deux marques du groupe LVMH se sont associées pour un cobranding inédit : le soin premium L'Or de Vie lancé par Dior s'appuie sur l'univers de Chateau d'Yquem. Les actifs sont ainsi extraits des sarments de vigne du "vin le plus cher au monde", qui prête également d'autres éléments clé de son territoire (codes coloriels... et prix extrêmement élevé).
Quand le vin inspire un produit...
Les arômes des vins et spiritueux, les cocktails les plus détonants sont très souvent à la source de l'inspiration des notes d'un parfum. Au même titre qu'une fleur ou un fruit, ils ont un pouvoir d'évocation immédiate pour le consommateur lorsqu'il s'agit de décrire une fragrance. Il est en revanche plus étonnant de voir le vin soit partie prenante de la fabrication d'un parfum ! Thierry Mugler sort pour Noël une édition limitée de très grand luxe, baptisée La Part des Anges, de son parfum fétiche Angel, dont le jus - retravaillé - a été vieilli dans les fûts de la maison de cognac Remy Martin. Une approche d'innovation process plus courante en soin ou en maquillage qu'en parfum, dont les étapes de maturation / macération sont extrêmement codifiées. L'idée, même dans un flacon habillée de cristaux Swarowski, me parait néanmoins plus adaptée à un parfum masculin qu'à un parfum féminin, vue la cible traditionnelle du cognac... Avec seulement 4742 exemplaires, la marque ne prend de toute façon pas vraiment le risque de séduire en masse.

Qu'est-ce que ce panorama nous apprend sur les parfums et cosmétiques ? La cosmétique est par essence un univers qui se nourrit d'autres univers, qui tire son inspiration d'autres imaginaires (couture, mode, cinéma, stars...). C'est donc tout naturellement que les vins et spiritueux viennent à leur tour nourrir les concepts de marque, porteurs valeurs hédonistes, d'excellence, de tradition, de luxe authentique. Ils viennent consolider la quête de légitimité, de "mythes fondateurs" des marques de cosmétique. Et plutôt de belle manière, non ?

Crédit photo: R@punsell (Flickr)