Stage avec Jaff Raji : vol au dessus d’un nid de budo

Publié le 06 décembre 2009 par Ivan

Le week-end du 13 au 15 novembre, Jaff Raji nous a fait l’amitié de sa présence à Bruxelles. Cette année le programme était chargé, puisque jour après jour nous avons pratiqué le jodo, l’aïkido et le kenjutsu. Un vaste programme qui n’était pas pour déplaire aux participants qui ont pu goûter aux différences de ces trois disciplines.

Jaff Raji est l’un de ces professeurs dont le renom dépasse, depuis des années maintenant, les frontières françaises. Présent régulièrement dans une quinzaine de pays, naviguant dans une bonne vingtaine selon les invitations, il a récemment passé le cap de la simple relation amicale avec ses dechi qui le suivent depuis 20 ans et plus, à une organisation bien structurée. En effet, il a officialisé la création de Budo Raji International, qui sera désormais une école en soi, ou comme il aime à le dire, « une confrérie ». Dire que son emploi du temps est chargé et un doux euphémisme. Mais malgré cela, il me fait la joie de venir chaque année à la même période pour me remettre quelques idées en place et apporter de la qualité au travail de tous.

 

Jodo, l’école de la rigueur

Cette année à ma demande, le programme était lourd. Vendredi soir en cours privé où n’étaient invités que les dojos « invitants » (Sakura, Suki, TAG et Fudoshinkan), nous avons été initiés aux cinq premiers kihon de jodo. Pour ma part et celle d’Arnaud Lioni, cela nous a rappelé une foule de bons souvenirs, lorsque nos professeurs respectifs (Philippe Cocconi et Joël Barillet) nous faisaient des cours de jodo, il y a de ça bien 10 ou 15 ans. En revanche pour les autres personnes présentes sur le parquet du dojo, la découverte fut rude. Trois heures d’affilée, nous avons répété les kihon, les déplacements, et deux exercices pour apprendre à faire maki otoshi. Très vite, les tensions se lisaient dans les épaules. Pourtant Jaff nous a répété que « le jo doit être comme suspendu. Donc pas de force dans les bras et les épaules ». En fait, on peut dire que ce ne sont pas les bras qui portent le jo, mais le jo qui soutient les bras. Lorsqu’on arrive à cette sensation, cela devient bien moins pénible. Le principal ennemi de la technique en jodo est l’envie de faire fort, surtout au début.  Jaff nous rappelle un principe de base mais pourtant ô combien édifiant : « arrêtez de frapper le vide, cela ne sert à rien ». Puis plus bas avec une pointe d’humour : « et puis il ne vous a rien fait ce vide, pourquoi le frapper ? ».

(Jaff Raji et H.P. Baum, professeur du TAG dojo) 

Aïkido, le retour aux bases

Le samedi matin, nous étions plus nombreux encore  sur le tatami pour un cours ouvert à toutes les bonnes volontés qui veulent revenir aux sources de l’aïkido. Non pas que Jaff soit dépositaire d’un aïkido « d’origine », mais simplement parce qu’il reprend le corps axiome par axiome. Un bras, une jambe, une hanche, chaque élément est indépendant, et pourtant ils sont tous reliés. Comment les faire fonctionner seuls, puis les combiner et enfin, plus dur, les faire travailler ensemble. La puissance nous dit Jaff « ne vient qu’à partir du moment où l’on relâche le corps et où tous les éléments (partie du corps, principes moteurs) sont utilisés ensemble ». En fait, on pourrait résumer par ce vieux dicton « l’union fait la force ». Le bras seul n’est pas assez fort, ou la hanche, ou le pied. Mais tout ensemble, le mouvement devient puissant. D’ailleurs j’ai pu le constater sur quelques projections qu’il m’a données, c’était très instructif. Être uke dans de tel moment est vraiment une chance qu’il faut savoir saisir. Si on ne peut pas toujours lire le mouvement que l’on subit, en revanche on sait exactement quelles sont les sensations qu’il nous procure. Du coup, il sera plus facile de savoir ce que l’on vise en cherchant à reproduire la technique.

(Jaff Raji face à moi, les carottes sont cuites pour moi) 

Du kenjutsu à l’aïki-ken, une étude du sabre

Le vendredi et le samedi, les membres du TAG dojo (courant Takemusu Aïki) nous ont fait le plaisir de venir en nombre. Cette fois c’était à nous de leur rendre la politesse en allant le dimanche matin à Rixensart. Immense dojo dans un Centre Sportif Régional, une structure suffisamment rare en Belgique pour être soulignée ici. Du coup, à 16 sur le tatami, nous avions de la place, car nous aurions pu tenir à 60 ou 70. Le professeur, HP Baum, avait des questions sur l’étude du ken, pour sentir les différences avec la pratique du courant Iwama. Pour cela Jaff est retourné aux bases du kenjutsu. Bien tenir le ken, savoir poser les mains, comprendre le mouvement de coupe, prendre conscience du fil de la lame, de ce qu’est un sabre en fait. Je me disais qu’il ne répondait pas à la question posée, puisque nous étions clairement dans le kenjutsu et non dans l’aïki-ken. Mais une fois toutes les bases en place, Jaff nous fait faire plusieurs kumitachi d’aïki-ken. Et là, le plaisir se lisait sur les visages ou les yeux des pratiquants. Tout prenait sens semblait-il.

La conclusion de ces trois heures de pratique du sabre fut qu’il n’existe pas de vérité absolue dans la façon d’utiliser le sabre. En revanche, l’outil impose un certain nombre d’aspects incontournable. C’est un outil fait pour trancher et non pour frapper par exemple. Cette différence est fondamentale et permet de recentrer la pratique de l’aïki-ken, quel que soit le courant de pratique.

(moment de détente après le cours, Arnaud Lioni et moi au milieu) 

Un départ un peu triste

La récompense de ce stage fut le plaisir et la multitude d’invitations que reçut Jaff. Je salue aussi la présence de deux cadres de la fédération qui se sont déplacés, cela fait bien plaisir de voir leur intérêt pour ce qui se passe dans les dojos. Pour ma part, c’était la joie d’avoir Jaff à la maison pour discuter passionnément d’aïkido et de budo, mais aussi bien sûr d’avoir pu pratiquer le jo, le ken et le taïjutsu dans un même week-end, ce qui n’est pas fréquent. Je suis ressorti boosté avec la confirmation que le plaisir est toujours intact quand je suis au cœur de la pratique. En revanche, le départ fut un peu triste avec un petit virus qui a mit Jaff à plat juste avant de prendre le train. Et puis plus égoïstement, qu’il va falloir un an avant de le revoir parmi nous. Cette fois, j’espère que nous serons encore plus nombreux à l’accueillir et à écouter son enseignement, car la qualité est vraiment au rendez-vous. Vous qui me lisez souvent, vous savez à quel point je sélectionne les personnes que je suis, alors venez l’année prochaine pour voir de près ce que les mots d’un article ne peuvent traduire.
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PS : Merci au TAG pour les photos.