Deux récents papiers du Bruegel Institut mettent en avant les difficultés liées à la mise en marche d’une croissance verte. Dans Cold Start for the green innovation machine et No green Growth without innovation, Philippe Aghion économiste de la croissance endogène pointe le fait que l’innovation verte reste pour l’instant à l’état embryonnaire et qu’elle ne pourra se développer qu’à la condition d’une intervention publique très volontariste.
Pour pouvoir disposer demain de technologies vertes pour répondre aux enjeux climatiques de demain, l’innovation et la recherche et développement dans ce secteur doivent être stimulées dès maintenant.Tant que la production de produits respectueux de l’environnement et d’énergies vertes sera moins profitable que celle des produits traditionnels et polluants, il ne pourra pas y avoir de croissance verte durable. Il serait, en effet, naïf de croire que les décisions des acteurs économiques se prennent pas bonne conscience écologique ou engagement citoyen, même si on peut le regretter. Les décisions des chefs d’entreprises et des investisseurs privés se prennent avant tout sous contrainte de rationalité économique. Ainsi, tant que le marché ne donnera pas des signaux économiques incitant à innover et à développer des technologies permettant de produire en réduisant les émissions de CO2, il n’y aura pas de révolution économique verte. Quoique l’on en dise l’économie actuelle est une économie de marché qui réagit à des signaux économiques.
L’avance prise par les « technologies polluantes » est telle dans certains secteurs, que les incitations doivent être très fortes. Il faut réduire le fossé technologique entre technologies vertes et technologies traditionnelles. Par exemple, dans le secteur automobile, l’avance du moteur à explosion et les investissements colossaux réalisés depuis des années sont tellement importants que pour enfin voir le décollage du moteur électrique, il faudrait non seulement investir massivement dans ce type de technologie mais également arrêter tous les investissements dans le moteur explosion. Le vrai signal économique pour parvenir à cette situation serait au minimum un triplement du prix du baril de pétrole. La taxe sur les véhicules propres est un signal beaucoup trop faible pour générer un vrai changement d’orientation dans les politiques de R&D des constructeurs automobiles.
Les politiques économiques des gouvernements doivent donc être très incitatives et/ou contraignantes dès leur démarrage et ne doivent pas se mettre en place de façon graduelle pour que les acteurs économiques soient incités à changer leurs stratégies de développement à court et à long terme tout de suite. En revanche, ces politiques ne doivent pas nécessairement s’installer dans la durée, en effet, dès lors que les technologies vertes auront comblé leur retard, l’intervention publique doit s’atténuer pour laisser le marché jouer son rôle.
Les politiques publiques doivent donc se mettre en place rapidement et être très incitatives, ainsi, que le choix d’un pays se tourne vers la taxe carbone ou le marché des émissions ou encore un mix des deux, le signal prix lié à la tonne de carbone est aujourd’hui beaucoup trop faible pour mettre en marche le cercle vertueux : innovation, croissance verte et réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Si les décideurs publics affichent une position pour l’heure trop frileuse, les décideurs privés et en particuliers les investisseurs et le capital risque semblent en avance, des investissements privés importants sont prêts à être réalisés. On observe une sorte de « bulle verte ». Les politiques publiques doivent donc montrer leur capacité de réactivité face à l’émergence de cette bulle. Un échec des négociations à Copenhague, ou un accord pas assez contraignant risque de provoquer un éclatement de cette « bulle verte » avec un désengagement des investisseurs privés et donc un ralentissement de la R&D dans les technologies vertes.
La sortie de crise ne serait alors résolument pas verte !