Le Mac Book Air*, Martine, et la publicité clandestine

Publié le 01 avril 2009 par Plumard

Vous avez dit placement de produit ?
Vous regardez un film : deux comédiens qui se démènent pour camper avec naturel un jeune couple d’avocats ambitieux, une intrigue originale qui commence à remporter votre adhésion…  Et puis, soudain, un plan surprenant : la citadine des héros vient se garer juste devant la caméra, offrant sa calandre logotypée à l’objectif complaisant du réalisateur. La scène n’a pas duré très longtemps et pourtant vous avez retenu le nom constructeur de l’automobile : KIA. Vous êtes perplexe : un avocat qui préfère le confort spartiate d’une Picanto coréenne à l’agrément ostentatoire d’une allemande -BMW, Mercedes ou Porsche- c’est pas courant !

Et vous avez raison de tiquer : cette apparition impromptue ne doit rien à l’audace des scénaristes. C’est le résultat d’un échange de bons procédés  bien connu : le « placement de produit ». Cette technique publicitaire consiste pour les annonceurs à présenter leurs produits aux consommateurs dans un « contexte valorisant ». En échange de quoi ils soulagent le budget du producteur, en euros sonnants et trébuchants et/ou en matériel. Le « contexte valorisant » est souvent un film ou une série télé, mais il peut s’agir également d’un jeu vidéo, d’une pièce de théâtre ou même d’un roman. Les produits sont utilisés et/ou cités… et implicitement « cautionnés » par les acteurs, ce qui leur confère une valeur supérieure aux yeux du public. Un avocat qui roule en KIA, c’est toujours ça de pris pour un constructeur souffrant d’une image un peu cheap. En somme, ça vous décomplexe d’acheter coréen.  Rien de nouveau sous le soleil.

En revanche, ce qui est tout à fait innovant et qui nous intéresse aujourd’hui, c’est le détournement de cette technique récemment commis par les communicants qui œuvrent à rénover l’image de Martine Aubry. Récemment, je tombai sur cette vidéo de la 1ère secrétaire du parti socialiste, destinée à lancer le site changerleurope.fr - support web de la campagne socialiste aux européennes :

On pourrait gloser sur des effets visuels superflus, censés en mettre plein la vue et qui peinent à évoquer autre chose que l’esthétique ringarde et outrageusement dramatique des émissions de confessions de TF1. Mais l’évènement, vous l’aurez compris, c’est évidemment la présence d’un Mac Book Air. Ou de Martine Aubry dans un clip pour le Mac Book Air, comme le suggère un billet paru sur Le Post et dont il faut saluer le titre : « Martine à la page ».

Alors, s’agit-il d’un placement de produit, volontaire ou fortuit ? Prêtons à l’équipe de Martine Aubry un peu plus de sagacité….

A mon sens, il s’agit d’une utilisation inversée de la technique du placement de produit. Ici, ce n’est plus l’acteur qui cautionne les qualités du produit en l’utilisant, mais le produit qui est utilisé pour parfaire l’image de Martine. La publicité a fait d’Apple -le fabricant du Mac Book Air- une marque à l’image jeune, cool et branchée (1). Le Mac n’est-il pas l’outil de travail de tout bon créatif, ou aspirant créatif ? Alors Martine nous fait croire qu’elle utilise un Mac, histoire d’être créditée de quelques unes des qualités fréquemment attribuées à ses utilisateurs.

A vrai dire, Martine n’est ni cool, ni jeune, ni branchée. Créative, elle ne l’est pas non plus. D’ailleurs pour booster sa côte de popularité, elle n’a pas trouvé plus fun que de passer son Dimanche dans le canapé de l’infatigable et fatiguant Michel Drucker. Tout au plus, elle partage avec Steve Jobs, le créateur d’Apple, le fait d’être réputée pour ses colères. Alors la ruse des communicants est un peu grossière, et probablement vaine. Tout de même : il fallait oser !

On sait désormais que l’image de Kärcher a été durablement ternie par les déclarations de Sarkozy en banlieue. Ce matin, j’entendais à la radio que les récentes déclaration de Jacques Séguéla avaient fait chuter les ventes de Rolex en or et serties de diamants. Martine parviendra-t-elle à ringardiser Apple ?

*Mac Book Air, à partir de 1175 euros chez Darty.
(1) : même son concurrent Microsoft admet qu’avoir un mac c’est cool. Le crédo de sa dernière campagne de pub : « I’m just not cool enough to be a Mac person » (voir ici)