Concert Jeudi 19 novembre à l'Eglise Saint-Roch. Au programme, deux odes (dont la célèbre dédiée à Sainte-Cécile) et le Te Deum de Henry Purcell, interprétés par le Collegium Vocale de Gand, sous la direction de Philippe Herreweghe.
Le concert débute avec une ode moins connue du compositeur anglais ("Who can from Joy refrain, this gay"), écrite à l'occasion de l'anniversaire du duc de Gloucester. Certains passages rappellent l'Ode dédiée à l'anniversaire de la Reine Mary dont un "Sound the trumpet", bien moins fameux, mais déjà assez éloquent. La virtuosité vocale exigée par cet "anthem" au style typiquement purcellien est déjà notable. Toutefois, les solistes ne semblent encore pas tout à fait en place et certaines voix (dont celle du contre-ténor français Damien Guillon) semblent à l'épreuve, notamment avec la forte réverbération de Saint-Roch.
Vient ensuite le Te Deum, véritable pièce d'orfèvrerie écrite par Henry Purcell. La finesse de la direction de Philippe Herreweghe met en évidence toute la subtilité de l'écriture de cette pièce sacrée d'un raffinement absolu. La plasticité et les sonorités soyeuses du superbe chœur du Collegium Vocale contribuent à donner une belle ampleur à cette version du Te Deum tout en conservant intacte la clarté polyphonique et la finesse de l'écriture de Henry Purcell. Le sommet de cette interprétation est de toute évidence l'enchaînement des versets "When thoug took'st upon thee to deliver man" et "O Lord, save the people". Après le fameux duo de sopranos affrontant la redoutable phrase ascendante mais de toute beauté "Thou sittest at the right hand of God in the glory of the Father", un thème sombre et mélancolique est traité par Philippe Herreweghe comme un lamento italien, l'accentuation de la peine, de la lamentation se révélant au passage "We believe that Thou shalt come to be our judge" interprétée par les deux contre-ténors et le ténor. Parmi les solistes, Robin Blaze s'avère bien plus égal qu'à son habitude (cf. les notes à son sujet sur l'intégrale des cantates de JS Bach par Maasaki Suzuki) et bien entendu tout à fait à l'aise dans sa langue native. Les deux sopranos Dorothee Mields et Hana Blažíková, aguerries au répertoire sacrée, contribuent de façon très convaincante au caractère aérien et lumineux de ce Te Deum. Sur le registre grave, Peter Kooij, dont le répertoire sur le domaine de la musique sacrée est particulièrement impressionnant, confirme bien qu'il demeure un des piliers du Collegium Vocal de Gand, affirmant une basse solide et expressive, s'affranchissant finalement mieux que les registres masculins aigus de la difficulté des mélismes propres aux compositions de Henry Purcell.Après l'entracte, Philippe Herreweghe et son ensemble nous présentent une nouvelle version de la fameuse Ode à Sainte Cécile "Hail ! Bright Cecilia". Le chœur et l'orchestre du Collegium vocale sont particulièrement rodés sur cette Ode de Purcell, de très nombreuses fois interprétée. Par rapport à des versions jouant sur la nervosité, les forts contrastes et les couleurs saturées (cf. note du sur l'interprétation de Marc Minkowski à la tête du chœur et de l'orchestre des musiciens du Louvre- Grenoble à Pleyel le 20 janvier 2009), Philippe Herreweghe agit plutôt comme un aquarelliste, déployant les couleurs avec le fondu d'un lavis, recherchant plus une certaine intériorité, intimité plutôt que l'éclat et l'ostentation. Les différents passages de cette ode, dédiée à la Sainte Patronne des musiciens, sont justement sensés, par le truchement de l'écriture finement ciselée de Purcell, exprimer les climats
associés aux différents instruments. C'est donc inutile d'en ajouter. Il s'agit d'une glorification de l'art musical traitée sans excès dans les effets. D'aucuns resteront certainement frustrés face à ce qu'ils peuvent interpréter comme une retenue excessive ou une forme de maniérisme. D'autres loueront plutôt la finesse de jugement et une belle humilité pour servir dans ses moindres détails l'élégance de la musique du maître baroque anglais.L'intérêt de la lecture de cette ode par Philippe Herreweghe réside également dans l''influence que JS Bach, ou au sens plus large, la musique luthérienne allemande, vient s'exercer jusque dans l'interprétation de Purcell chez le chef flamand. C'est particulièrement notable sur le chœur final de l'Ode à Sainte Cécile (le "Grand Chorus") où le Hail ! fait invariablement penser aux chœurs de conclusion des grandes cantates chorales du Cantor.
Je vous propose un extrait de la version de l'Ode à Sainte Cécile qu'avait enregistrée Philippe Herreweghe et le Collegium Vocale il y a un peu plus de dix ans (en 1998) pour le label Harmonia Mundi. La version du concert du 19 novembre à Saint-Roch était d'un tempo plus rapide avec une rythmique plus affirmée. C'était particulièrement bien venu, le tempo étiré de la version discographique ne contribuant vraiment pas à traduire le climat général d'une Ode qui doit magnifier avec une certaine ardeur la gloire de Sainte Cécile ! Ce n'est tout de même pas un Requiem mais bien une Ode censée être plutôt joyeuse !
L'extrait que j'ai choisi est le martial "The fife and all the Harmony of war", interprété par l'excellent Mark Padmore dont on ne vantera jamais assez le talent.
Le concert était donné dans le cadre de la saison 2009 / 2010 de Philippe Maillard Productions, avec le soutien de la Fondation Orange. Détail de la distribution sur le site Internet de Philippe Maillard Productions.