Frédéric Mitterand vient donc de suspendre Pascal Dumay, le patron du Conservatoire National Supérieur de Musique, soupçonné d'avoir consulté mais aussi, semble-t-il, fait circuler des photos pedo-pornographiques. A l'occasion de cette affaire on apprend incidemment qu'une équipe de gendarme est chargée de surveiller la toile. On aimerait savoir ce qu'elle surveille exactement. Parce qu'après tout, il en va de nos libertés. On découvre également une présomption d'innocence à géométrie variable, mais Frédéric Mitterrand n'avait sans doute pas d'autre solution que cette suspension. Je serais bien surpris qu'on la lui reproche même si, sur le fond, il est un peu gênant de voir le soupçon l'emporter sur toutes autres considérations.
Ce qui me surprend le plus c'est l'attitude de Pascal Dumay s'il est avéré qu'il a consulté et fait circuler des images pédo-pornographiques. Il n'est certainement pas sans savoir que cela suscite une formidable réprobation dans notre société, il sait également qu'il occupe un poste relativement sensible et cependant il continue. On est en plein dans ce qu'Aristote appelait l'incontinence (akrasia) ou faiblesse de la volonté que des philosophes comme Donald Davidson, Amélie Rorty ou Richard Holton, entre bien d'autres, ont cherché à comprendre. Je n'entrerai pas ici dans le détail des analyses des uns et des autres dont on peut trouver un aperçu sur Wikipedia, je voudrais seulement souligner la force des passions, du désir lorsqu'ils sont confrontés à la rationalité et combien, malgré tous nos efforts, ils peuvent nous entraîner à faire le contraire de ce que nous jugeons, par ailleurs, juste et bon.
J'ajouterai, enfin, que grâce à Internet on peut facilement avoir des portraits de Pascal Dumay et que rien, mais vraiment rien sur son visage n'annonce le pervers (on peut également y découvrir que ce pianiste que la presse nous présente comme un grand interprète a quitté le monde de l'interprétation il y a plus de vingt ans pour devenir un fonctionnaire de la musique, mais c'est autre chose). Un mystère, donc. Ou plutôt un fait avec lequel il faut vivre.