Derrière l'échec ruineux de la politique de la ville.
Banlieues : la défaite idéologique
Pour la vingtième fois en trente ans de “crise des banlieues”, le gouvernement va « repenser la politique de la ville ».Et Fadela Amara,naguère pétulante, semble désormais bien mélancolique. Il faut dire qu’au total, l’échec est sévère : dans les quartiers concernés par la “politique de la ville” (8,3 millions d’habitants, 13 % de la population française) le chômage reste imperturbablement le double de celui du pays – pire pour les moins de 26 ans : 40 % de sans-emploi.
Et depuis trente ans, l’insécurité empire sans cesse dans ces quartiers – bandes armées, trafic de drogue au grand jour, braquages, sanglants règlements de comptes, tirs à l’arme de guerre sur des policiers. Bref, nul progrès sur l’objet même de cette politique : doter les fameuses “zones sensibles” de la paix sociale et de la sécurité régnant ailleurs en France.
Désastreuse, la “politique de la ville”est aussi ruineuse : selon les chiffres, tous officiels,que nous donnons ici,elle a coûté quelque 50 milliards d’euros de 1989 à 2002 – et de 2003 à 2012, le plan Borloo lui consacre encore 40 milliards supplémentaires.
Où va cet argent ? Nul ne semble vraiment le savoir. Peut-être sert-il à amadouer émeutiers et racketteurs : en 2002,la Cour des comptes note que de massives subventions sont distribuées à l’aveuglette à 15 000 associations, dont souvent on ignore tout – dans une absence de contrôle telle que la Cour dénonce durement une «machine sans compteur ». Dans son rapport 2008,l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (230 pages, une infinité de tableaux et de chiffres) ne dit toujours rien du coût de la “politique de la ville”.
Bien entendu, en 2012, rien n’aura changé – et Mme Amara devrait vite changer de portefeuille si elle ne veut connaître le discrédit de ses 19 prédécesseurs (ministres ou secrétaires d’État) en vingt ans. Car la “politique de la ville”, telle qu’elle est conçue aujourd’hui (associa- tion de l’idéologie et de la bureaucratie), ne peut qu’échouer du fait même qu’elle constitue le désolant fantôme, l’affreux remake de l’agriculture soviétique.
Hélas, la comparaison n’est pas polémique.Regardons plutôt.Un gouffre financier, on l’a vu.
Une forte rigidité idéologique, cela saute aux yeux.
Ajoutons-y lourdeur et byzantinisme. La “politique de la ville” s’exprime en une soupe d’alphabet de sigles abscons (HVS, DSQ, DIV, LOV, DSU, GPU, ZFU, GPV, CUCS,CIV,CNV,ACSE, ainsi de suite) et en un indéchiffrable jargon (« Les ZUS comprennent les ZRU qui elles-mêmes englobent les ZFU ») : Staline au pays des Shadoks.
Sur les 751 zones urbaines sensibles (le coeur de cible des quartiers de la politique de la ville, 4,4 millions d’habitants) s’abat depuis 1973 (gouvernement Pierre Messmer, création de la structure administrative Habitat et Vie sociale) une grêle de plans,pactes et programmes qui tous, sans exception, se retrouvent dans les préconisations du plan Bonnemaison (décembre 1982) : rénovation cosmétique de l’habitat,ingénierie locale d’inspiration socialiste, récitation du mantra “exclusion, mixité, diversité”.
Nul, droite ou gauche, n’a jamais fait qu’ajouter couche sur couche à ce ruineux millefeuille bureaucratique, nuisible à l’objet même de ladite politique : paix sociale, tranquillité des habitants, retour des emplois.
Acharnement thérapeutique,gâtisme administratif : dans l’actuel système, ni Mme Amara, malgré son dynamisme,ni personne n’y pourra rien. Il faut un Gorbatchev (qui fut sous Tchernenko ministre de l’Agriculture de l’URSS) pour mettre à plat la désastreuse “politique de la ville”, la désincarcérer de l’archaïque idéologie qui l’englue et la paralyse ; et pour enfin la réformer de fond en comble selon trois phases simples et claires :pacification, confiance, retour à la norme et au travail.