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Univerciel, de Christophe Manon (lecture de Loyan)

Par Florence Trocmé

Christophe Manon Univerciel  Il y a un souffle Univerciel. Comme un manifeste existentiel - il n’est pas si fréquent de trouver les mots lutte, révolution, utopies, fédérés, brigade dans un poème et la musique qui sourd de ce texte rappelle les propos d’Étienne de la Boétie dans son Discours de la servitude volontaire : « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » Mais cet engagement politique est à l’échelle du cosmos – les termes soleil, nuages, comète, galaxie, univers en témoignent.
Christophe Manon (né en 1971, coresponsable des éditions Ikko et de la revue Mir nous apprend la jolie quatrième de couverture bichromique des éditions Nous, sises à Caen) semble chercher un dépassement de la poésie tout en exaltant ses possibilités. Par le jeu des reprises binaires ou ternaires : « Il est grand temps, grand temps, il est grand temps que vous le sachiez : je suis un homme de l’époque » ; par le recours à des mots valises (merocéan, transéternité, voyagitopistes, poétristes, renoncipleutres, volimenteurs, même ci ceux-ci ne me semblent pas toujours judicieux) ; par la beauté des images : « Nous sommes des caillots de matière translucides comme le vent ».
Dans ce long et puissant poème narratif, l’auteur en appelle à la fraternité, à se souvenir de notre unité humaine et première, plusieurs fois tentée dans l’histoire et toujours avortée. Au début du texte, le narrateur parle à la première personne pour dire ses tentatives de révolte et ses échecs ; puis tente une nouvelle voie : « Maintenant je vais moi-même maintenant à ma propre rencontre. Un troisième œil m’arrive / de derrière la tête ». Devenu univers et milliards de galaxies, communiant avec astres et planètes, le narrateur se lance ainsi, transformé, voulant rêver et écouter le bruissement du monde. La voix devient prophétique, propose des visions de fin des temps ou plutôt d’un temps nouveau qui refuse la résignation et la capitulation pour prôner la fraternité et la lutte contre ceux qui ne parlent plus aux bêtes et ne comprennent plus rien aux travaux de l’invisible.
À mi-parcours, ayant affirmé que l’idée survit à toutes les persécutions, l’auteur passe alors du je au nous. Cette identité collective s’insurge, se déclare maîtresse de son destin, n’utilisant la violence que contre la violence, ne marchant que sous la bannière de sa peau. La motivation de cette (r)évolution tient peut-être dans ces vers : « Nous ne nous demandons pas si une chose est possible, mais si elle est belle. Alors nous réussissons à l’accomplir. Nous savons ce que nous avons à faire et nous le faisons sans hésiter. Nous nous saisissons de notre être propre pour briser / la loi séparatrice et vouer l’humanité à l’univerciel, car cette époque est le prologue du drame où changera l’axe des sociétés humaines ».
Plus loin, Christophe Manon dit son essentiel, l’essentiel du métier d’humain : « D’une main nous touchons aux étoiles et de l’autre aux pulsations cardiaques du noyau terrestre, car nous ne sommes pas limités à nous-mêmes ». Voilà la visée, sentir l’infini en nous, le dire, le transmettre, le partager. Voilà en quoi je trouve ce poème beau et ambitieux, à une hauteur d’être que nous pouvons faire nôtre. « Dans la plus grande des luttes nous avons choisi notre camp ouvertement et sans crainte : vivre seuls et libres comme des arbres et fraternellement comme une forêt ».
Contribution de Loyan
Christophe Manon
Univerciel

éditions Nous (octobre 2009)
48 pages, 12 euros
www.editions-nous.com


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