Il y a un souffle Univerciel. Comme un manifeste
existentiel - il n’est pas si fréquent de trouver les mots lutte, révolution, utopies, fédérés, brigade
dans un poème et la musique qui sourd de ce texte rappelle les propos d’Étienne
de la Boétie dans son Discours de la
servitude volontaire : « Les
tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » Mais cet
engagement politique est à l’échelle du cosmos – les termes soleil, nuages, comète, galaxie, univers
en témoignent.
Christophe Manon (né en 1971, coresponsable des éditions Ikko et de la revue
Mir nous apprend la jolie quatrième de couverture bichromique des éditions Nous,
sises à Caen) semble chercher un dépassement de la poésie tout en exaltant ses
possibilités. Par le jeu des reprises binaires ou ternaires : « Il est grand temps, grand temps, il est
grand temps que vous le sachiez : je suis un homme de l’époque » ;
par le recours à des mots valises (merocéan,
transéternité, voyagitopistes, poétristes, renoncipleutres, volimenteurs,
même ci ceux-ci ne me semblent pas toujours judicieux) ; par la beauté des
images : « Nous sommes des
caillots de matière translucides comme le vent ».
Dans ce long et puissant poème
narratif, l’auteur en appelle à la fraternité, à se souvenir de notre unité
humaine et première, plusieurs fois tentée dans l’histoire et toujours avortée.
Au début du texte, le narrateur parle à la première personne pour dire ses
tentatives de révolte et ses échecs ; puis tente une nouvelle voie :
« Maintenant je vais moi-même
maintenant à ma propre rencontre. Un troisième œil m’arrive / de derrière la
tête ». Devenu univers et
milliards de galaxies, communiant avec astres et planètes, le narrateur se
lance ainsi, transformé, voulant rêver et
écouter le bruissement du monde. La voix devient prophétique, propose des
visions de fin des temps ou plutôt d’un temps nouveau qui refuse la résignation
et la capitulation pour prôner la fraternité et la lutte contre ceux qui ne parlent plus aux bêtes et ne
comprennent plus rien aux travaux de l’invisible.
À mi-parcours, ayant affirmé que l’idée survit à toutes les persécutions,
l’auteur passe alors du je au nous. Cette identité collective s’insurge, se déclare
maîtresse de son destin, n’utilisant la
violence que contre la violence, ne marchant que sous la bannière de sa peau.
La motivation de cette (r)évolution tient peut-être dans ces vers :
« Nous ne nous demandons pas si une
chose est possible, mais si elle est belle. Alors nous réussissons à
l’accomplir. Nous savons ce que nous avons à faire et nous le faisons sans
hésiter. Nous nous saisissons de notre être propre pour briser / la loi
séparatrice et vouer l’humanité à l’univerciel, car cette époque est le
prologue du drame où changera l’axe des sociétés humaines ».
Plus loin, Christophe Manon dit son essentiel, l’essentiel du métier
d’humain : « D’une main nous
touchons aux étoiles et de l’autre aux pulsations cardiaques du noyau
terrestre, car nous ne sommes pas limités à nous-mêmes ». Voilà la
visée, sentir l’infini en nous, le dire, le transmettre, le partager. Voilà en
quoi je trouve ce poème beau et ambitieux, à une hauteur d’être que nous
pouvons faire nôtre. « Dans la plus
grande des luttes nous avons choisi notre camp ouvertement et sans
crainte : vivre seuls et libres comme des arbres et fraternellement comme
une forêt ».
Contribution de Loyan
Christophe Manon
Univerciel
éditions Nous (octobre 2009)
48 pages, 12 euros
www.editions-nous.com