Je trouvais cela joli, cette gestuelle du semeur. Je me sentais tel le lanceur de frisbee. Par-delà les kilomètres, des mains allaient récupérer cela, diffuser à leur tour, infuser aussi. On a comme ça des bouts de soi qui se promènent. Un point de départ, plusieurs ports d'arrivée.
Et de la musique qui s'écoule, qui s'en va découvrir d'autres lieux, d'autres vies, dont certaines que je ne connais pas. Des bouts de moi, des bouts d'eux, et au milieu coule une rivière.
On est loin du trafic de droits d'auteur, dans une générosité simple qu'il est bon de souligner aussi. On dit trop certaines choses. Pas assez d'autres.
Ce matin, je relisais avec étonnement et gourmandise l'échange né d'une anodine mise en ligne. Juste un lien de saison, et voilà que surgit une sorte d'envolée tatouée de la même générosité. Je trouvais cela magnifique, un autre point de départ allait irriguer quatre ou cinq foyers.
Je me disais, en songeant à ces échanges qui relèvent de l'inimaginable, d'un inimaginable dont on aurait sans doute rêvé, que c'est sacrément chouette, ce qu'il peut se produire au quotidien sur le net, pour peu bien sûr qu'on s'en donne les moyens. Chouette et sacrément réel. En buvant mon café, je pensais aux uns, aux autres. On ne met pas forcément des visages sur ces pensées. Mais des sensations. Ce n'est pas mal non plus.
Le fameux virtuel dont certains se gaussent et dont d'autres se recommandent génère l'air de rien des réalités bien sympathiques. Car elles existent. C'est certain. S'inventent des relations humaines d'un autre genre et j'aime assez cela.
Paroles invisibles qui se prononcent du bout du clavier. Paroles quand même. Paroles surtout. Paroles sauvées ? Paroles entretenues ? Des coeurs battent, assurément. Ils sont avides. Il est des yeux qui brillent, n'en doutons point.
Et alors qu'en usant d'un autre prisme, on pourrait assez facilement désespérer de ce que notre société façonne à corps perdus et à cris éteints, je me disais en ce samedi frisquet qu'il était d'autres endroits où là, on peut facilement espérer de cette même société. Car ce sont les mêmes gens. Ce sont bien des bouts de vies qui se distillent, à une autre échelle, avec d'autres codes.
Ici de la musique, là des sapins, ailleurs des photos, des lectures, des tranches de vies, des questions, des réactions, des analyses, des sensations, des voyages.
On se construit un beau petit quartier, dans le coin. Il s'invente et se renouvelle chaque jour. J'avais simplement envie de nous remercier.