Après Olivier Dubois et sa Révolution, le festival des Inaccoutumés de poursuit à la Ménagerie de Verre avec, entre autres, Christian Rizzo, Vincent Dupond, Alain Buffard, et… Gérald Kurdian.
1999 est un spectacle d’environ une heure pendant lequel ce “performeur sans fonction précise”, comme il aime à se définir, endosse tous les rôles, du photographe au compositeur, de l’ingénieur au chanteur, du monstre au héros intergalactique. Gérald Kurdian invente devant nous une histoire de science-fiction de bric et de broc à l’aide d’un appareil photo, une petite maison en plastique, un poster des Bahamas, un écran (sur lequel sont projetés les films fabriqués avec l’appareil photo), une imprimante et deux claviers : une dame aux cheveux longs attend son bien-aimé parti conquérir l’univers (épisode 1).
Celui-ci devra affronter un monstre impitoyable au visage rouge et bouclé, pour finir par se faire soigner dans un laboratoire secret par un chimiste qui pousse la chansonnette en contemplant le ciel étoilé. Car c’est bien de musique qu’il s’agit. La mise en scène n’est autre qu’un écrin pour de douces et sucrées mélodies pop : la belle mélancolique, le vaillant héros, la finitude scientifique, la cruauté monstrueuse… Tout est prétexte à donner de la voix. C’est alors que Gérald Kurdian, alors qu’il est constamment du côté de l’autodérision et de la distanciation comique, tombe le masque. Une voix féminine, claire, gracieuse emplit l’espace ; le chanteur ne joue plus. La dizaine de pièces qui parcourt le spectacle se ressemble furieusement : notes au piano, bruitage drôlatique (“l’improvisation” est très réussie : Gérald Kurdian allume deux talkie-walkies et les fait hurler le temps d’un fou rire), enregistrement de la rythmique en live, reprise de grands tubes… Le spectacle se termine sur la production d’un disque en direct, gravé sur un ordinateur d’après la performance de l’instant.Cependant, alors que le songwriter timide remet en cause le dispositif théâtral en s’adressant directement aux spectateurs, en dévoilant les machines, en explicitant le processus de création, il semble ne pas étendre ce questionnement à la musique. C’est comme si toute la distanciation disparaissait dès les premières notes de chaque morceau. Du coup, le va-et-vient entre musique et mise en scène ne fonctionne qu’un moment ; vite, on commence à se lasser de ces chansons qui sont toutes pareilles, et on aimerait davantage de recul vis-à-vis d’elles. Une idée aurait pu être de pousser la logique du même en chantant (presque) la même pièce dix fois de suite. Face à la ferveur du chanteur, la mise en scène n’apparaît plus que comme un prétexte ; c’est dommage, elle mérite mieux.