Qu’observe-t-il ? Dans les faits : la saleté des cellules, la surpopulation carcérale, le mépris des règles élémentaires d’hygiène, la quasi-rupture des détenus avec leurs liens familiaux et sociaux, l’inaction des détenus ou leur exploitation pour un travail peu valorisant payé une misère ; dans les effets : près de la moitié des gens sont d’anciens détenus qui ont récidivé, la prison ayant été surtout pour eux un lieu d’éducation au crime. A la question de savoir si la prison corrige la moralité des détenus et les décourage de tomber à nouveau sous le coup de la loi, il lui faut bien répondre que non. De fait, elle ne fait que couper le détenu des tentations qui l’entourent, des incitations produites par le monde extérieur. Entre ses murs, celui-ci n’a plus de choix, plus de libre-arbitre. Libéré, il n’a pas davantage de force morale pour y résister que lorsqu’il y est entré. Il en a même moins, puisqu’il a côtoyé pire que lui, et peut espérer être plus malin pour ne plus se faire prendre, puiqu’il a désormais un casier judiciaire qui rend moins facile son embauche, etc. Au final,
« les prisons n’améliorent pas la conscience morale des détenus. Elles ne les détournent pas du crime. » (p. 251)
Ce constat reste hélas toujours d’actualité. Les prisons, en effet, sont davantage conçus pour protéger la société des actes jugés immoraux de certaines personnes, en les en excluant, purement et simplement. Un ouvrage qui, au-delà de son intérêt historique, relance le débat sur les moyens d'enrayer le crime.
KROPOTKINE, Pierre. – Dans les prisons russes et françaises : Londres, 1887 / trad. de l’anglais . - Le Temps des cerises, 2009. - 287 p.. - ISBN 978-2-841-09752-4 : 15 €.
Prison – législation – condition de vie - crime.