CitizenSide, l’avenir de l’AFP
CitizenSide est une agence de presse d’un genre nouveau. Destinée aux reporters amateurs, elle se propose de récolter images et vidéos pour les revendre à des médias. L’AFP est entrée au capital, flairant la bonne affaire, et plus si affinités.
La vérité avance sur des pattes de colombes. C’est aussi valable pour les avancées technologiques. Certaines sont discrètes, marginales par leur volume, mais elles possèdent néanmoins en elles tous les ingrédients pour s’affirmer bientôt comme maîtresses du jeu. CitizenSide est de celle-ci.
CitizenSide est une abomination pour tous les journalistes de l’agence française de presse. Le principe repose sur le constat simple de la surveillance globalisée par les citoyens. Chacun peut en effet être confronté à un événement, et en saisir l’essence, ou du moins une trace, un témoignage au mieux, à l’aide d’un appareil photo, le plus souvent planqué dans un téléphone mobile. Une fois le cliché dans la boite, il peut être redistribué par le réseau CitizenSide. Et comme l’indique le site en ouverture, il est même possible d’être rémunéré pour ses photos. Car CitizenSide a passé des accords avec quelques médias qui sont prêts à payer pour ces images "big brotheriennes" - Voici, Public, BFM TV, RTL, Le Parisien, Metro et 20 Minutes. Les prochains partenariats du genre viendront de l’international ont indiqué les fondateurs du site.
Information amateur
Plusieurs questions se posent évidemment, comme celle de la modération des contributions, ou encore de la vérification de la véracité des clichés ou vidéos proposés par les internautes. Et c’est là que CitizenSide devient un outil, ou pour tout dire, une plateforme d’avenir pour l’AFP. D’ailleurs, le président de la vénérable institution, Pierre Louette, dont le parcours dans les nouveaux médias plaide en sa faveur, si l’on veut bien excepter son court passage à la tête d’Europ@web, ne s’y est pas trompé. L’AFP a ainsi pris 34% du capital, "quelques dizaines de milliers d’euros", confie Pierre Louette. Pas de quoi fouetter un chat en effet, mais tout de même suffisamment pour faire la démonstration que le site possède du potentiel.
En fait, celui-ci ne réside pas forcément dans le réseau d’internautes membres de CitizenSide, mais dans la présence de l’outil EditorSide. Comme son nom l’indique, celui-ci permet d’éditorialiser, de trier et de redistribuer l’"information amateur". Il est donc le pendant Web, léger, facile à connecter et totalement multiplateforme, du service AFP. Alors que ce dernier en est encore à l’âge de la console austère et propriétaire, CitzenSide apporte la souplesse du Web dans la machinerie d’agence de presse. Et comme souvent, dans ces cas-là, les jeux sont déjà faits, mais cela ne se verra que dans quelques années...
Bien sûr, il n’est pas question de remplacer les journalistes de l’AFP par des Web-journalistes, ou journalistes citoyens, un terme que rejette d’ailleurs CitizenSide. On l’a suffisamment répété, mais le métier de journaliste requiert du temps et de la technique, ce qu’un citoyen ordinaire n’a pas forcément, et ne veut surtout pas apprendre forcément. La spécialisation est gourmande, elle implique un investissement de temps et de vie que chacun n’est pas prêt à faire, tout bonnement. Ceci dit, CitizenSide montre bien qu’elle sera la structure future de l’AFP : un rhizome technologique de récolte de l’information, ouvert ensuite à la vente de cette matière au combien volatile.
Le client est roi
D’où viendra cette information ? Voilà tout le travail qui reste à faire pour les équipes de Pierre Louette, mais cela ne pourra se faire sans une étroite collaboration avec les fondateurs du site : Matthieu Stefani, Philippe Checinski et Julien Robert. Xavier Gouyou-Beauchamps, ancien patron de France Télévisons est aussi de la partie en tant que président de la structure, et actionnaire via la société IAM.
Le mélange des genres entre citoyens et journalistes pourrait être simplement marginal. Le décloisonnement des genres entre amateurs et professionnels de l’information devrait ainsi être réorganisé et planifié, d’une certaine manière, par les petites mains de CitizenSide. Pour ceux qui cherchaient un avenir au métier de secrétaire de rédaction, il est tout trouvé : sélectionner la meilleure information, avec si possible une concurrence acharnée entre pros et amateurs, notamment sur la photo ; l’éditer et enfin, la passer au service de vente... à moins que ce ne soit l’inverse. Le client est roi, et ce serait donc aux médias clients, situés en bout du rhizome, que reviendrait la demande. Le média ferait enfin l’information, celle qu’il veut, adaptée à son lectorat, et non plus suiveur d’une bulle journalistique de l’actualité, comme on la voit bien trop se former encore aujourd’hui. Voilà qui sonnerait enfin le glas du journaliste analogique. Avec l’avénement du témoignage de rhizome, l’information passe dans l’ère de l’abondance. Renversant ainsi les paradigmes, comme on a l’habitude de dire dans pareil cas.
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