Une génération s'est écoulée depuis la construction du Centre Beaubourg. Depuis lors, les avis divergent encore. Certains accusant le site d'être « l'anomalie de l'architecture parisienne », d'autres décrétant qu'il s'agit de l'immeuble le plus « diabolique », ou même le plus « Hi-Tech » de tous les temps.
Créé à la demande de Georges Pompidou, qui souhaitait pour Paris un bâtiment servant à la fois d'outil et de monument culturel moderne en plein coeur de la capitale, le centre qui porte son nom a été érigé entre 1970 et 1977. Cette période de construction succède directement à celle de mai 1968. Le monument a donc été conçu au cours d'une aire où une majorité de la population souhaitait abattre bon nombre de murs et barrières.
Cette ambition se retrouve dans l'architecture de l'immeuble actuel, qui a été choisie parmi 681 projets proposés sur concours par des jeunes gens de toutes origines géographiques et culturelles. C'est l'idée de Richard Rogers et Renzo Piano qui a été retenue. A l'époque, ils n'ont qu'une trentaine d'années et sont eux-mêmes tout à la fois impressionnés et enthousiasmés par le monument, l'ampleur de leur audace, l'enjeu de leur engagement.
Si Beaubourg impose ses couleurs électriques et sa structure métallique, ce n'est pourtant pas parce qu'il s'agit d'une construction massive. Bien au contraire. Le béton n'est présent que sur les fondations, alors que la partie émergée, six étages en tout, repose sur un système de tubes. Le bâtiment est en effet construit à l'image d'un mécano géant. Son aspect n'est donc pas une « pure provocation » comme certains détracteurs le prétendaient, mais plutôt la gageur d'une totale transparence. Aucun monument culturel parisien, excepté la tour Eiffel, n'avait jusqu'alors dévoilé ses dessous comme le Centre Culturel Georges Pompidou. Beaubourg offre son squelette de métal et ses entrailles à qui souhaite pénétrer ses secrets. Il s'ouvre de part en part sur la ville : côté rue comme sur sa place, dédiée à la détente et au squat, nivelée en pente douce, pour que chacun puisse tout naturellement allonger ses pas vers le monument.
Qui de la ville ou de Beaubourg est l'erreur du décor ? Il semble que cet élément, symbole par excellence de la transparence, avait tout a fait sa place au coeur de la capitale. Ses 7500 m2 de surface s'effacent allègrement derrière ses parois transparentes. Sa masse impressionnante disparaît : le lieu offre un point de vue unique sur la capitale, depuis un escalier totalement libre d'accès.
L'esthétique de Beaubourg est certes osée, et certainement étonnante au premier abord. Cependant, il faut voir dans celle-ci un rejet des fonctionnalités du bâtiment vers l'extérieur, au profit d'une surface exploitable plus pure, plus grande, plus aérée, favorisant les échanges et la pluridisciplinarité. Couloirs, ascenseurs et escaliers s'affichent en façade, rendant ainsi le bâtiment plus mobile, tel un transformer géant, changeant par là même d'aspect à chaque instant.
En revanche, l'intérieur est épuré. Chaque étage est dédié à un domaine artistique : musique, littérature, art moderne. Sur les six étages exploitables, les murs ont été évincés au profit de l'échange des plaisirs, du loisir, du ludique, de l'art. N'est-ce pas le principe exploité aujourd'hui dans les plus grandes entreprises du monde entier ? Quarante ans avant la grande aire de la communication, Beaubourg annonçait déjà les couleurs du monde qui n'était pas encore né.
A Beaubourg, le coeur de l'architecture n'est plus la structure-même mais le vide, l'espace, la parole, le regard, l'ouïe : le flux, carrefour incessant des cultures nouvelles.
Voilà donc qu'au coeur d'une des plus vieilles villes de France se trouve un bâtiment en mouvement perpétuel,
peuplé d'espaces communiquant. C'est ici que 25 000 personnes par jour circulent, échangent, débattent, créent, recherchent, communiquent. C'est probablement ici que se développent les plus
belles idées parisiennes. C'est ici que chercheurs, étudiants, touristes et promeneurs se croisent et croisent leurs points de vue. En ce lieu magique.
Photo 1 : Centre Pompidou, Architectes : Renzo Piano et Richard Rogers
Photo 2 : Centre Pompidou, Architectes : Renzo Piano et Richard Rogers, Fontaine Stravinski, œuvre de Niki de Saint-Phalle.Reproduction des photos interdite sans autorisation. Auteur : Léthée Hurtebise.