Article repris par Medium4You.
Paradoxe français : nous avons une gauche empêtrée de naïvetés marxistes et de tabous intellos (au point de se commettre mardi soir avec les partisans de la dictature du prolétariat) mais qui détient probablement de bonnes recettes fiscales et sociales pour redonner confiance ; et une droite qui ne craint pas d’aborder les craintes populaires mais qui n’a ni le ton qu’il faut, ni les bons choix économiques et sociaux, à contretemps de la crise. Dès lors se pose la question de savoir qui peut gagner les prochaines échéances : l’histrionisme brouillon et généreux ou la rigueur sociale enrobée de gouaille ?
La gauche est malheureusement d’une grande naïveté face à la crise du vivre ensemble. Oui, l’identité nationale est un sujet populaire. Il dépasse les engouements pour les matchs de foot (dont on n’a nullement à être fiers ces temps derniers). Il vise à explorer les peurs. Celles des immigrés pauvres et sans papiers (mais qui travaillent quand même, ce qui laissent les chômeurs pantois). Celles des cultures multiples, de plus en plus revendiquées et – disons-le – mieux acceptées en 2009 qu’en 2002. La burqa rebute par réflexe, mais le simple voile n’est plus qu’un ornement comme la croix dans le cou. Et les minarets dressés comme autant de phallus prêts à cracher leurs têtes chimiques ou nucléaires font moins peur en France que dans les vallées suisses. Il n’y a donc aucun tabou à avoir pour expliquer et débattre. Les citoyens sont adultes et conscients, parler est le meilleur remède aux névroses.Car l’inconscient de gauche parle. Par la voix de l’énarque Martine Aubry qui appelle à la régularisation massive, appel d’air évident pour des milliers d’immigrants qui veulent du travail, des libertés et de la protection sociale. Ne faut-il pas plutôt débattre des quartiers où ils s’entassent parce que le reste de la population ne vit pas la même culture ? Tout ce que ces immigrants n’ont pas dans leur propre pays parce que leurs élites dirigeantes restreintes trustent les prébendes, aides internationales et taxes à l’exportation. Ne faut-il pas plutôt débattre de l’aide internationale inconditionnelle ? Ni les chômeurs ni le peuple qui habite en banlieue ne sont prêts à voter Martine Aubry si elle poursuit ce discours extrémiste – car elle n’y habite pas et parle en technocrate.
On ne joue pas avec la misère du monde, à commencer par celle des citoyens de son propre pays. Si la France est accueillante, si elle offre des libertés, elle ne peut payer à guichets ouverts la protection sociale de tous les déshérités de la planète. Quand à ceux qui travaillent sans papiers – et qui cotisent – ils ont bien sûr le droit aux prestations, mais pourquoi ont-ils un emploi alors qu’ils sont illégaux ? Alors que des fils ou petits-fils de migrants, nés Français, n’ont pas même accès à l’emploi. Par laxisme patronal ? Par exploitation bien conçue ? Parce qu’on se moque de la loi ? La gauche pourrait utilement mettre le doigt là où la droite le fait trop doucement : sur ces patrons sans morale citoyenne, qui adorent payer moins cher des migrants précaires et non syndiqués, tout en jouant sur l’ambiguïté des « faux » papiers.
Rappelons que la gauche avait réussi avec Lionel Jospin à redonner confiance au pays en 1997, après la désastreuse dissolution de l’Assemblée nationale par un Chirac fort mal conseillé et une droite tétanisée déjà par la montée des déficits publics. Le vainqueur fatigué des élections, son âme damnée Villepin et son Juppé botté crispé avaient échoué.
Sera-ce le cas prochainement ? Nicolas Sarkozy n’est pas Jacques Chirac et la gauche lui a obligeamment offert une « hyper » présidence en ramenant (grâce à Jospin) son mandat à 5 ans tout en exigeant des Législatives dans la foulée. Elle croyait naïvement profiter du bilan pour rafler toute la mise. Or, par inconscience politique, elle n’a pas vu que « le social » n’était pas tout et que les craintes pour l’avenir d’électeurs vieillissants méritaient qu’on s’en occupe ! Les retraites, la santé, le financement des prestations sociales – tout cela méritait mieux que le méprisant terme de « cagnotte » affublé aux surplus des années fastes. La sécurité des personnes, l’intégration des banlieues, la place de la France dans une Europe sans limites – tout cela méritait mieux que les lénifiants propos de gauche sur l’accueil de tous, les subventions publiques, toujours plus de « moyens » à l’école et l’internationalisme sans frontières.
Les électeurs ont dit « non ». Ils ont poussés Le Pen devant Jospin et fini par réélire Chirac. Ne serait-ce pas le message que veulent faire passer les vallées suisses alors qu’elles ne voient que très peu d’étrangers chez elles ? Côtoyer les autres cultures rend ouvert, mépriser les peurs populaires rend inaudible.Il reste que la droite n’a ni le vocabulaire, tout en théâtralisation et désignation de l’ennemi, ni le sens du moment en termes économiques et sociaux. Il y a certes des réformes, ce que réclamaient les électeurs après l’immobilisme Chirac, mais elles sont mal abouties et particulièrement chères sur le court terme. Le déficit initial français était plus élevé que celui de ses partenaires (avec des prélèvements obligatoires et une TVA au sommet !), ce qui réduit les marges de manœuvre pour soutenir la reprise. Mais les baisses d’impôts Sarkozy étaient mal ciblées et surtout guère d’actualité. Inciter à investir dans le risque ou à embaucher dans la restauration c’est bien, mais il faut pour cela que la croissance existe ! Reprendre aux footeux leurs « droit à l’image » jusqu’ici exempté de taxes sociales est juste, mais pas suffisant. Il y a des déséquilibres et des iniquités fiscales que la gauche à raison de vouloir remettre à plat.
Mais la gauche piaille, incapable de proposer un avenir positif et plausible. Cela va du « ne pas » besancenote aux crêpages d’ego des matrones et patrons socialistes qui se voient tous présidentiables en 2012, jusqu’aux incohérences écologistes qui passent du retour au moyen-âge au saut dans la technologie futuriste sans dire comment, ni avec quoi.
La droite exacerbe à court terme les tensions du vivre ensemble, le bonapartisme-qui-fait-tout agace puisqu’il n’a pas les moyens, sauf le verbe. Mais qui donc propose autre chose de crédible ?