Bleu ou rose? Foot ou dessin? Anglais ou italien? Les parents s'impliquent différemment dans la scolarité des filles et dans celle des garçons. Même si les filles ont de meilleurs résultats, les parents investissent davantage d'espoir dans le cursus de leur fils.
L'Insee se penche depuis quinze ans sur la question. Et deux études, l'une de 1992, l'autre de 2003, montrent que l'ambition parentale pour les filles n'a pas vraiment gagné du terrain. Les critères? Pas tant le fait d'avoir (ou pas) le bac: les chiffres, assez proches à partir du collège, placent même les filles en tête. Mais plutôt l'orientation.
Les parents suivent en effet de plus près les devoirs des garçons, et plus encore leur orientation. Et privilégient notamment soit des filières plus élitistes, soit des cursus réputés offrir de meilleurs débouchés, quitte à ce qu'ils soient plus courts. Des "études plus rentables", dit l'enquête Insee.
Les filles "moins poussées" et plus autonomes dans leurs choix
Au niveau du bac, on encourage davantage les garçons vers un bac scientifique -"la filière la plus rentable des filières générales sur le marché du travail", selon l'Insee-, "alors que les filles sont justement meilleures en maths", précise Marie Gouyon, qui signe avec Sophie Guérin la dernière enquête. Au bac, on retrouve à l'inverse 80% de filles dans les filières littéraires.
Autre signe: une implication moindre des parents dans le choix des langues pour les filles, qui décident davantage elles-mêmes. Au final, c'est plutôt espagnol pour les filles, et allemand pour les garçons, pour la deuxième langue.
Les deux chercheuses constatent que les filles sont "moins poussées" et laissées davantage autonomes sur les choix qu'elles font durant leur scolarité. Or, en laissant les filles s'orienter en faveur de leurs matières de prédilection, les parents font "un arbitrage au profit des garçons, en comptant sur l’autonomie des filles", selon Marie Gouyon et Sophie Gérin. Ces dernières tombent dans ce que l'Insee appelle "un mécanisme d'auto-élimination". Une forme d'autocensure entretenue par la représentation qu'on se fait de la réussite, à la maison mais aussi à l'école
En classe aussi, des critères d'évaluation différents
En classe, les études montrent que l'on prend d'ailleurs moins en charge les filles. Avec une attente plus forte de la part des professeurs sur des questions de présentation des devoirs et de travail individuel, là où ce sont plutôt les interventions et "la richesse des idées" qui seront valorisées chez les garçons.
Du côté de l'Education nationale, on reconnaît qu'il reste du chemin d'ici une égalité scolaire effective. "Dès l'école primaire, les filles obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les garçons et elles redoublent moins", précise le ministère, qui cherche à valoriser une orientation plus balancée:
"Moins soucieuses que les garçons des débouchés professionnels, elles hésitent encore à s'engager dans les filières sélectives: un quart de filles seulement en classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques. Malgré leurs bonnes performances scolaires, les filles ne diversifient pas assez leur choix d'orientation.
"Ce constat met en évidence la persistance des préjugés et des stéréotypes dans la société et sans doute aussi dans l'école. L'insertion professionnelle des filles pâtit ensuite de l'étroitesse de ces choix de départ."
Depuis deux ans, l'objectif du gouvernement est de rehausser de 20% la proportion de filles dans les rangs des classes scientifiques d'ici 2010. Avec, en ligne de mire, une meilleure insertion des femmes sur le marché du travail. Pour l'heure, elles sont plus nombreuses à être au chômage ou à vivre d'un emploi précaire.
Par Chloé Leprince - http://rue89.com/ 30/10/2007
Crédit photo: JohnB2008 (Flickr)