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Résistons! Et plus si nécessité…

Publié le 02 novembre 2009 par Petiterepublique

affiche-1Ce 4 novembre, les français désireux de faire acte de réflexion pourront se rendre dans les salles obscures afin de visionner le documentaire réalisé par Gilles Perret, dont le titre évocateur « Walter. Retour en résistance », convoque déjà les consciences [1]. Il s’agit ici de mettre en exergue le parcours exemplaire de Walter Bassan, cet homme aujourd’hui âgé de 83 ans, qui fût un résistant à l’occupant nazi et qui n’aura évidemment pas échappé à la déportation. Le personnage central du documentaire est bel et bien vivant puisqu’il  n’a de cesse d’arpenter quantité de lieux hautement symboliques afin de transmettre, notamment aux plus jeunes d’entre-nous, son esprit toujours résistant, mais avec la volonté farouche de l’actualiser. Dés lors, la question de fond qui habite ce travail, et qui n’est pas sans déranger une certaine frange de nos politiciens, n’est autre que de savoir si « le verbe résister peut encore se conjuguer au présent? »

Si Gilles Perret [2] s’est penché sur le destin de Walter Bassan, c’est avant tout parce que ce dernier habitait la même commune que lui, et qu’il connaissait son histoire depuis longtemps déjà. Impressionné par le feu sacré de cet esprit résistant, toujours bouillonnant 65 années après la fin de la seconde guerre mondiale, l’auteur a ainsi souhaité faire entrer en résonance le discours de son héros (dans toute la noblesse du terme) avec le présent qui fait la France d’aujourd’hui. Et, en premier lieu, de rappeler que certains acquis sociaux évidents pour nombre d’entre-nous ont été la production du Conseil National de la Résistance [3], au rang desquels figure la retraite par répartition, fleuron du modèle social à la française. À ce titre, il ne manque pas de dire tout son étonnement quant à la méconnaissance du public rencontré lors de la tournée d’avant-première au sujet de cet héritage pourtant historique. Mais, au-delà de cet aspect essentiel, c’est surtout le pont jeté entre deux périodes éloignées de plus d’un demi-siècle qui importe le réalisateur. Ce dernier, par ailleurs, se veut ici pleinement engagé dans un acte militant dont la pensée tient dans cette déclaration centrale: « Et puis je pense qu’aujourd’hui, nous n’avons plus le droit de nous taire face à certaines dérives gouvernementales. La période me paraît grave. La population est de moins en moins cultivée politiquement, et les techniques démagogiques et populistes ont de plus en plus d’emprise sur elle. On assiste à une régression sociale, une diminution des libertés, un accroissement des inégalités, une récupération des symboles historiques, le tout bien emballé par une communication politicienne omniprésente, orchestrée de façon habile par notre président de la République. Je crois que notre rôle de documentariste est de montrer et de dénoncer la supercherie ». Message sans ambiguïté aucune, même si l’auteur a dû se défendre haut et fort contre ses détracteurs qui, de la manière la plus malsaine, auront vu dans son propos un amalgame entre nazisme et sarkozysme. En effet, l’objet est ailleurs, puisqu’il se situe au plan de l’action politique en dénonçant le démantèlement annoncé des acquis sociaux par un néolibéralisme triomphant dont la crise actuelle n’aura eu pour conséquence directe que de retarder les ardeurs. Qui pourra nier cela, d’autant que certains apôtres appellent de leurs vœux la disparition pure et simple du modèle social français. Nul doute que le projet initial de Nicolas Sarkozy, magnifiquement incarné par l’emblématique loi TEPA instaurant un bouclier fiscal qui ne profitera qu’aux plus nantis des français, voulait aller dans le sens d’une tatchérisation de notre société. Mais, c’était sans compter sur le séisme qui vient de secouer le monde, alors les propos maintenant se brouillent, pour se faire plus consensuels, plus doux, par peur d’une éventuelle explosion sociale. Mais ce n’est que partie remise, et tous les beaux discours sur la moralisation indispensable du capitalisme financier, avec son cortège d’indécences, n’y feront rien [4]. La mécanique est déjà relancée, les profits coulent de nouveau à flot, alors que toutes ces belles paroles s’envolent déjà vers le royaume des vœux pieux. Ainsi, vous comprendrez combien résister doit impérativement se conjuguer au présent avant que la machine infernale à générer des profits disproportionnés ne fasse qu’une bouchée des derniers velléitaires de la lutte pour un monde plus juste. Ainsi, l’histoire que porte Walter Bassan évoque avec panache cet esprit de résistance indispensable au devenir du genre humain, puisque salvateur et porteur d’espoir. Alors, il faut reprendre en cœur « l’appel des Résistants » lancé le 8 mars 2004 par treize personnalités issues de la résistance française [5]. Déjà, ces sages s’insurgeaient contre les coups de bélier portés aux conquêtes sociales acquises au sortir de la seconde guerre mondiale, symbole de progrès pour l’humanité, tout en posant cette (im)pertinente question: « Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée? » Mais encore, et bien au-delà de nos frontières, l’interrogation de valoir pour l’ensemble de notre globe où, faut-il le rappeler, un milliard d’individus se meurent de faim [6], alors que les nations les plus riches jettent à la poubelle une grande partie des aliments qu’elles produisent [7]. Lorsque l’absurde le querelle à l’indécence, la révolte n’est plus trop loin, son pas lourd gronde déjà à l’horizon.
De toute évidence, le discours de Walter Bassan porté à l’écran par Gilles Perret comporte une dimension merveilleusement universelle. La résistance doit désormais concerner l’ensemble de notre village global qui n’aura d’autre alternative que de produire un modèle nécessairement plus juste, inévitablement plus équitable, afin de tendre vers cet équilibre indispensable pour le devenir d’une humanité toujours plus nombreuse. Sans conteste, d’autres turbulences nous guettent, et elles ne manqueront pas de tous nous jeter dans le même panier, scellant à jamais nos destinées dans la notion supérieure de bien commun.
Il convient donc de résister, aujourd’hui tout autant qu’hier, afin de réduire l’espérance de vie de ce modèle dominant qui fabrique de l’injustice à l’échelle globale. Aussi, inspirons-nous de Walter et des autres, de toutes celles et ceux qui sont entrés en résistance contre un monde où le profit règne, tel un monarque absolu ayant droit de vie et de mort sur tout citoyen qui ne se plierait pas à son bon vouloir. Et puis, par-delà la résistance, n’est-il pas raisonnable d’imaginer que l’état actuel du monde induira, quoi qu’il en soit, une incontournable révolte globale qui ne manquera pas de faire table rase de toutes nos dérives afin de bâtir un monde autre, plus équitable, donc durable?

[1] Le site consacré au film
[2] Auteur de 11 documentaires dont le très remarqué Ma mondialisation
[3] Le programme du Conseil National de la Résistance
[4] François Chesnais, Anatomie d’un effondrement, Le Monde diplomatique, novembre 2009.
[5] L’appel des Résistants
[6] L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde 2008, FAO, Rome 2009.
[7] Observatoire Bruxellois de la consommation durable.


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