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Avant d’y faire rentrer qui que ce soit, vidons puis opérons un tri sélectif au Panthéon !

Publié le 03 décembre 2009 par Petiterepublique

albert camus pantheon

Parmi les bas-coups médiatiques du président sondeur, essayer de fourguer Camus au Panthéon est un geste grandement signifiant. Je ne reprendrai pas les très bons arguments de M. Onfray, parus dans le Monde récemment, mais, avant de faire rentrer qui que ce soit dans ce mausolée, on devrait d’abord faire un inventaire, car certains ont semble-t-il dépassé la date de péremption… D’abord en ôter les dizaines d’inconnus, canonisés par notre Empereur dictateur : noblesse d’empire, ministres zélés, lécheurs de chausses et ganaches colonialistes reposent en nombre et en paix dans ces sous sols. Personne ne semble se soucier de leurs cendres, ni de leurs noms, ni de leur histoire. Ils sont comme des fondations obscures et enfouies de ce que l’on voudrait nous faire prendre pour le mémorial de notre identité.

Le projet napoléonien était effectivement de constituer de nouveaux repères après les bouleversements révolutionnaires. Ces serviteurs du nouvel ordre, ces fondateurs d’un nouveau droit, remerciés à titre posthume, sont comme ces premiers papes Lin, Clet etc. aux noms étonnants et aux rôles obscurs, dont l’énumération dominicale de la liste surréaliste égaie et réveille le chrétien assoupi sur les bancs.
Le Panthéon a ensuite retrouvé ses droits, nos républiques une fois bien établies, pour abriter les valeurs sûres et assez consensuelles, d’un humanisme éclairé.

Ce qui est par contre plus stupéfiant, c’est le choix implicite d’une catégorie extrêmement délimitée des ayants droits à la Panthéonisation. Des écrivains et philosophes en premier lieu… fameux, non pas pour leurs qualités littéraires, sinon, Flaubert, Maupassant, Châteaubriand, Proust et Céline devraient y être, mais fameux pour leur statut, non explicite, d’Intellectuels ; hybrides entre l’artiste et le penseur politique. De ce fait, si même dans la république des lettres, les plus artistes sont écartés, on ne s’étonnera plus de ne voir dans ce Panthéon, aucun peintre, pas ou peu d’architecte, ni de sculpteur, ni de musicien, ni moins encore de cinéaste. Pourtant, Rodin ou Bartholdi, Delacroix ou Courbet ou Matisse encore, Berlioz, Ravel ou encore Jean Renoir, Breton, Duchamp je ne sais… mais bigre, on ne manquerait pas de créateurs variés, figures rayonnantes d’une culture et de certaines visions du monde, dans ces catégories…

Mais le pire est finalement cette odeur de tabac, de frac, de chapeaux claques et de redingotes… ça sent le cigare et le club de vieux garçons.
Marie et Sophie (Berthelot), ne sont ici que parce que leurs époux y sont !!!! Marie, aussi par son mérite, mais Sophie, car, morte quelque temps après son mari, il sembla cruel de les séparer. Quelle caricature de nos repères, quelle vision éculée, paternaliste et pompeuse des « grands hommes », quelle ignorance crasse que celle de ceux qui se vautrent dans un phallocentrisme rance.

Que nos sociétés d’avant-guerre, déjà assez rétrogrades pour n’avoir pas donné le droit de vote aux femmes se soient contentées de cette mâle nécropole n’est pas étonnant ; mais sachons nous souvenir que Mitterrand crût à une plaisanterie quand une délégation de femmes lui suggéra de faire rentrer Olympe de Gouges au Panthéon… Pas un de nos dirigeants n’a imaginé qu’il était peut être temps de rendre hommage puisque c’est la fonction de ce lieu à un certain nombre de femmes dont nous héritons, en vrac, Colette ou Rostopchine, Méricourt ou de Gouges, Sand ou Claudel, Anthonioz, Tillon, St Phalle et on imagine sans les y précipiter, que Aubrac et Weil pourraient y être honorées… Et beaucoup d’autres.

L’Académie s’y est mise, alors cessons de continuer de saturer la montagne Ste Geneviève de nos valeureux couillus. Les opérations Sarkozystes sont bien dans l’esprit racoleur et rance du personnage. Déjà Chanoine de Latran, il se voit dans la posture papale, avec le privilège de la canonisation. Il s’est essayé aux distributions de légions d’honneur, façon Corleone, il veut maintenant sanctifier à tour de bras après avoir sans doute sondé les cœurs, afin de taper dans le consensus ; impuissant sans doute à déterminer, au regard de sa culture et de son parcours, lequel et encore moins laquelle pourrait reposer là haut sur la montagne.

Conseillé certainement par ses faiseurs d’image, il s’accroche à Camus, comme il a fait de Jaurès et Moquet des outils de ratissage, machines à ratisser des gogos, qui ne veulent pas voir la dérive infâme d’un régime amoral, veule, dont le pouvoir est concentré dans les mains d’un mégalomane dont l’essentiel de la politique est de rassurer le fond de xénophobie lepéniste, de se comporter en représentant de l’industrie de l’armement, du bâtiment et du nucléaire… dont les propriétaires, détiennent les principaux organes de presse.

Quoi qu’il en soit, beaucoup se retrouvent piégés par cette proposition, admirant à juste titre Camus, et considèrent l’Institution Panthéonne comme légitime, alors que le sexisme éculé de ce dortoir perpétuel invalide l’engin.

Par ailleurs, quel est ce consensus large d’une « République des Lettres » à la française, qui privilégie les pondérés au détriment des créateurs inspirés ? Quelle est cette institution culturelle du non-dit, qui encense Camus pour la façade, et lit Proust pour l’art ? Si l’on considère le point de vue littéraire, Céline et Proust et Colette ou Simon (autre prix Nobel, ancien des brigades internationales !) sont largement aussi puissants que Camus !

Il y a bien là l’aveu de la primauté de l’idée sur l’art… cette dissociation du fond et de la forme, débat à la française, qui privilégie toujours le fond, sans avoir jamais compris comment les formes exprimaient des pensées variées… mais sans doute plus subtiles et plus sensibles.
Dictature sourde de la scholastique, résidus non-dits de la Sorbonne médiévale… mais le Panthéon n’en est pas loin.
Pour commencer la réorganisation, il faudrait d’abord sans doute y mettre Villon, Rabelais et Marie de France

Sinon, pour en revenir aux choix actuels, si l’on veut un héros Politique, on en trouvera des dizaines entre 39 et 62 et par exemple de vrais poètes comme Char !!! Si on souhaite de la philo, on trouvera une classe entière de glorieux défunts, de Bergson à Merleau-Ponty, quant à Lévi-Strauss, peut-être pensait-on qu’il y était déjà !

Elia Sikander

Annexe à  « Panthéonne »

Voici la liste (Sophie Berthelot en est même effacée) des pensionnaires de la montagne Ste Geneviève. Le petit jeu consistera à surligner ceux que vous connaissez ! Ensuite imaginez la place dégagée, une fois un bon tri effectué.

Remplacez par vos préférés.

1791 : Honoré-Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau · Voltaire · 1793 : Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau · Auguste Marie Henri Picot de Dampierre · 1794 : Jean-Jacques Rousseau · Jean-Paul Marat · 1806 : François-Denis Tronchet · Claude-Louis Petiet · 1807 : Jean-Baptiste-Pierre Bevière · Louis-Joseph-Charles-Amable d’Albert de Luynes · Jean-Étienne-Marie Portalis · Louis-Pierre-Pantaléon Resnier · 1808 : Antoine-César de Choiseul-Praslin ·Jean-Frédéric Perregaux · Jean-Pierre Firmin Malher · Pierre Jean Georges Cabanis · François Barthélemy Beguinot · 1809 : Girolamo-Luigi Durazzo · Jean-Baptiste Papin · Joseph-Marie Vien · Pierre Garnier de Laboissière · Justin Bonaventure Morard de Galles · Jean-Pierre Sers · Emmanuel Crétet · 1810 : Louis Charles Vincent Le Blond de Saint-Hilaire · Jean Lannes · Giovanni Battista Caprara · Charles Pierre Claret de Fleurieu· Jean-Baptiste Treilhard · 1811 : Nicolas Marie Songis des Courbons · Charles Erskine de Kellie · Alexandre-Antoine Hureau de Sénarmont · Michel Ordener · Louis Antoine de Bougainville · Ippolito-Antonio Vincenti-Mareri · 1812 : Jean-Guillaume de Winter · Jean Marie Pierre Dorsenne · Auguste Jean-Gabriel de Caulaincourt · 1813 : Joseph-Louis Lagrange · Jean-Ignace Jacqueminot · Hyacinthe-Hughes Timoléon de Cossé-Brissac · Justin de Viry · Jean Rousseau · Frédéric Henri Walther · 1814 : Jean-Nicolas Démeunier · Jean Louis Ébenezel Reynier · Claude Ambroise Régnier · 1815 : Claude Juste Alexandre Legrand · Antoine-Jean-Marie Thenevard · 1829 : Jacques-Germain Soufflot · 1885 : Victor Hugo · 1889 : Théophile Malo Corret de La Tour d’Auvergne · Lazare Nicolas Marguerite Carnot · Jean-Baptiste Baudin · François Séverin Marceau · 1894 : Sadi Carnot · 1907 : Marcellin Berthelot · 1908 : Émile Zola · 1920 : Léon Gambetta · 1924 : Jean Jaurès · 1933 : Paul Painlevé · 1948 : Paul LangevinJean Perrin · 1949 : Félix ÉbouéVictor Schoelcher · 1952 : Louis Braille · 1964 : Jean Moulin · 1987 : René Cassin · 1988 : Jean Monnet · 1989 : Henri Grégoire · Gaspard Monge · Nicolas de Condorcet · 1995 : Marie Curie · Pierre Curie · 1996 : André Malraux · 2002 : Alexandre Dumas


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