C’est une tendance lourde depuis des années : le matériel informatique est de moins en moins cher !
Un PC portable valait jusqu’à 5.000 euros en 2001, (IBM Thinkpad T22 par exemple) coûte aujourd’hui, entre 1 000€ et 2 500€ (Lenovo T400 par exemple). Cette tendance a atteint son paroxysme avec l’arrivée des Netbooks (PC ultraportables low cost) et des Nettops (PC de bureau low cost) sur le marché des ordinateurs d’entrée de gamme.
Pour parvenir à réduire le prix de vente, les constructeurs rognent sur la qualité : plastiques de mauvaise qualité, châssis fragile, composants électroniques de moins bonne qualité, etc. Conséquence ? En plus de tomber en panne plus souvent (selon une étude menée par la compagnie d’assurance Squaretrade, les Netbooks seraient 22% moins fiables que les PC portables milieu de gamme et 39% moins fiables que les PC portables haut de gamme), la durée d’utilisation du matériel a été divisée par 3 en 10 ans ! En 1997, on utilisait un PC 6 ans, contre seulement 2 ans en 2005.
On accorde peu de valeur à du matériel pas cher
Ce n’est bien sûr pas vrai pour tout le monde, mais d’une manière générale, et c’est humain, on sera plus enclin à maltraiter du matériel si celui-ci n’est pas cher. C’est typiquement ce qui se passe avec les téléphones portable. Bic, le spécialiste du jetable, pousse même au crime !
Intégration vs modularité
D’autre part, les PC modernes sont de moins en moins évolutifs. Les ordinateurs de bureau, au design modulaire, sont de plus en plus souvent remplacés par des ordinateurs portables difficiles, voir impossibles, à faire évoluer.
Ce constat est d’autant plus vrai pour les modèles d’entrée de gamme ! Pour réduire au maximum les coûts, les constructeurs sacrifient de nombreux ports d’extensions et poussent l’intégration à son maximum. Des composants habituellement remplaçables comme le processeur, la mémoire vive ou la carte graphique se retrouvent par exemple soudés.
Le manque d’évolutivité accélère l’obsolescence et encourage les consommateurs à remplacer leur matériel lorsqu’il tombe en panne plutôt qu’à le faire réparer ou à le faire évoluer ou l’adapter aux nouveaux besoins.
La réparation de moins en moins rentable
L’industrie informatique souffre du même défaut que l’industrie automobile : si l’on devait assembler un ordinateur portable à partir des pièces détachées des constructeurs, il nous en coûterait 10 fois le prix d’achat neuf (voir notre article "Le paradoxe des fournisseurs")!
Le coût élevé des composants d’occasion rend difficile le développement d’un marché des ordinateurs d’occasion. Si l’on compare les performances techniques, un PC professionnel d’occasion coûte plus cher qu’un PC grand public neuf.
Ainsi, on met parfois au rebus des ordinateurs qui, après réparation, pourraient fonctionner quelques années de plus.
Conséquences directes pour l’environnement
- On produit ainsi trois fois plus de déchets électroniques, inutilement.
- A chaque fois que l’on met un équipement électronique au rebus, on déclenche le plus souvent la fabrication d’un nouveau pour le remplacer. On pollue et on consomme 3 fois plus de d’énergie et de ressources, inutilement.
Effet rebond : économies d’énergie vs augmentation de la production
On peut reconnaître un avantage au matériel low-cost : il est généralement économe en énergie. C’est par exemple frappant avec les Netbook et les Nettops qui consomment moins d’énergie que leur équivalent moyen de gamme.
Mais c’est sans compter l’effet rebond : les effets positifs d’un matériel plus économe en énergie, donc moins coûteux financièrement peuvent être largement compensés par l’augmentation globale de leur nombre sur le marché.
Or n’oublions pas que la consommation électrique du matériel informatique durant sa phase d’utilisation n’est que la partie visible de l’iceberg. La fabrication et la fin de vie (recyclage ou mise en décharge) consomment des ressources non renouvelables (pétrole, matière première, etc.) et polluent les écosystèmes, affectant ainsi la biodiversité.
Le mythe du « recyclable à 100% »
On pourrait se dire que si les ordinateurs étaient recyclables à 100%, sa durée de vie importerait finalement peu, puisqu’une fois devenu déchet, 100% de sa matière pourra être recyclée pour produire un nouvel ordinateur.
Dans le cas des équipements électroniques, on est très loin du compte ! Sur les 14kg de déchets produits par an et par personne en France, seuls 4kg sont collectés. Quant au recyclage, il est loin d’être optimal. Il est par exemple nécessaire de dissoudre entièrement les puces électroniques dans de l’acide pour récupérer les quelques milligrammes d’or qui s’y trouvent .
Si l’émergence d’une économie circulaire (cradle to cradle) est un passage obligé, la recyclabilité ne doit pas être une excuse pour concevoir des produits toujours plus éphémères. Surtout lorsque l’on sait que certaines matières premières qui composent nos équipements informatique menacent de s’épuiser dans les 10 prochaines années …
e-exclusion : Et pour ceux qui n’ont pas les moyens ?
Certains pourraient nous faire remarquer l’aspect positif du matériel low cost : coût d’accès à la société de l’information et de la connaissance moins élevé. Utilisé à bon escient, Internet est un outil extraordinaire pour apprendre et nous ne le contestons absolument pas.
Cependant, nous regrettons que le marché du matériel d’occasion ne soit pas plus développé car on peut très facilement y trouver des machines haut de gamme d’excellente qualité, au moins aussi performantes que du matériel neuf à bas coût.
Pourquoi l’occasion fait peur ? : Absence de garantie et de label pour le matériel reconditionné.
Malgré un coût très attractif (on peut réaliser 60 à 80% d’économies), l’achat de matériel informatique d’occasion peut faire peur aux non techniciens. L’absence de garantie sur le matériel peut aussi représenter un frein important à l’achat.
Mais la situation pourrait s’améliorer rapidement. Le label Ordi2.0, lancé par le gouvernement afin de développer le marché de l’occasion et de réduire la fracture numérique, certifie les acteurs de la filière de reconditionnement.
Il impose par exemple aux organismes labellisés de proposer une garantie minimum de 6 mois sur le matériel reconditionné.
En revanche, le label Ordi2.0 ne certifie pas, à l’heure actuelle, le matériel en lui-même (pas d’étiquette sur le matériel), comme par exemple son niveau de performance. On pourrait par exemple imaginer un label Ordi2.0 apposé sur le matériel reconditionné qui garantie à l’acheteur un niveau de puissance, de confort d’utilisation satisfaisant pour un usage bureautique)).